Aux cris de "dawla madania machi askaria", les Algériens ont appelé à un "Etat civil et non un Etat militaire", demandant par là que l'armée retourne dans ses casernes et que les policiers rangent leur matraque, avec ce slogan analogue: "dawla madania, machi bolissia".
Malgré la ferveur née autour de l'équipe nationale, du fait de la finale de la Coupe d'Afrique des Nations, qui se joue contre le Sénégal, la mobilisation pour des changements en profondeur de l'Etat algérien ne faiblit pas.
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"Même si des supporters partiront [au Caire], il en restera toujours assez pour manifester le vendredi. Puis le soir après le match", a indiqué à l'AFP l'ancienne star du football algérien Ali Fergani, devenu analyste sportif.
En cas de victoire, l'équipe doit être reçue par le président par intérim Abdelkader Bensalah, dont la rue exige le départ. Et déjà, sur les réseaux sociaux, des appels sont lancés aux joueurs pour qu'ils refusent la cérémonie officielle à Alger.
Les joueurs de la "Khadra" se sont peu exprimés sur le mouvement populaire, appelé "Hirak" (mouvement en arabe) en Algérie, même si l’attaquant Ryad Mahrez, star de l'équipe, a publié une vidéo dans laquelle ses équipiers et lui chantent "La Liberté", chanson du rappeur algérien Soolking reprise par les manifestants, après leur qualification pour la finale de la CAN. "Paraît que le pouvoir s’achète… Liberté, c’est tout c’qui nous reste. Si le scénario se répète, on sera acteurs de la paix. Si faux, vos discours sont si faux, ouais, si faux, qu’on a fini par s’y faire. Mais c’est fini, le verre est plein", chantent-ils en cœur.
Pont aérien pour les supporters, un pari risqué pour le pouvoir ?
En organisant un "pont aérien" pour emmener les supporters des Fennecs en Égypte (28 avions ont été affrétés par le gouvernement et l'armée pour transporter gratuitement plus de 4 500 supporters), le pouvoir algérien semble espérer se réconcilier avec une population qui réclame son départ depuis cinq mois et qui a poussé le président Abdelaziz Bouteflika à la démission le 2 avril.
"Le pouvoir escompte des dividendes, alors qu'il reste sourd aux revendications" des manifestants, explique à l'AFP Yazid Ouahib, chef de la rubrique Sport du quotidien francophone El Watan, mais "c'est une forme de corruption" qui n'aura "aucun impact sur le mouvement populaire", car depuis "le 22 février, le peuple a montré qu'on ne peut pas se jouer de lui".
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Outre que ses chances de gain sont minimes, le pari du pouvoir pourrait même s'avérer contre-productif. Car ces milliers de supporteurs transportés jusqu'au Caire sont aussi souvent des militants actifs de la contestation, en partie né dans les stades algériens de football, un sport éminemment politique dans le pays.
Ces supporters pourraient profiter de la tribune offerte par la finale de la CAN-2019 pour exprimer leurs revendications, alors que le président par intérim Abdelkader Bensalah sera présent sur place. Un supporteur a récemment écopé d'un an de prison en Algérie pour avoir brandi en Égypte une banderole portant un slogan du Hirak.
Malgré la CAN, de nombreux Algériens rappellent que la plus grande victoire algérienne serait le départ du pouvoir. "On aimerait bien gagner la 2e Coupe d'Afrique (de l'histoire de l'Algérie), mais ce n'est qu'un jeu, la priorité c'est la 2e République", rappelle Faradji Mounir sur la page Algérie Debout.
La semaine dernière, les protestataires avaient réclamé la libération des manifestants incarcérés, et la démission d’Abdelkader Bensalah, dont l'intérim aurait dû s'achever le 9 juillet selon la Constitution, reste à la tête de l'État, avec l’aval de l’armée, en l'absence d'élection présidentielle.