Soudan: enfin une sortie de crise en perspective

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Le 03/08/2019 à 09h28, mis à jour le 03/08/2019 à 09h30

Après deux jours de difficiles négociations, les deux camps se sont entendus pour la signature d’une déclaration constitutionnelle qui prévoit de remettre le pouvoir aux civils.

C’était la principale revendication du mouvement de contestation qui secoue le Soudan depuis de nombreux mois : obtenir que le pouvoir soit remis aux mains des civils.

Après deux jours d’intenses tractations, le Conseil militaire qui dirige le pays et les chefs de la contestation sont parvenus à un accord sur une déclaration constitutionnelle qui satisfait cette demande.

C’est ce qu’a annoncé, samedi 3 août à l’aube, le médiateur de l’Union africaine, Mohamed El Hacen Lebatt. « Les deux délégations sont tombées pleinement d’accord sur la déclaration constitutionnelle », a-t-il déclaré à la presse. Cet accord, qui sera signé au cours d’une cérémonie, est le fruit de difficiles négociations sur la transition politique entre l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, et le Conseil militaire mis en place après la chute du président Omar Al-Bachir le 11 avril. L’annonce a provoqué des scènes de liesse dans l’une des principales avenues de Khartoum.

Les deux camps s’étaient déjà mis d’accord début juillet sur la création d’un Conseil souverain composé de cinq militaires et de six civils chargé de mener la transition pendant un peu plus de trois ans. Les points encore en suspens portaient sur les pouvoirs de ce Conseil souverain, sur le déploiement des forces de sécurité et sur l’immunité de généraux impliqués dans la répression de la contestation, notamment la dispersion meurtrière du sit-in devant l’armée le 3 juin à Khartoum.

Dix morts en une semaine

Au moins 127 manifestants avaient alors été tués, selon le comité de médecins proches de la contestation. Une enquête officielle a de son côté conclu à l’implication de membres des redoutées Forces de soutien rapide (RSF), lesquelles ont nié toute responsabilité et dénoncé une manipulation.

Les pourparlers entre les militaires et la contestation, initialement prévus mardi 30 juillet, avaient été repoussés après la mort de six personnes dont quatre lycéens à Al-Obeid (Centre) lundi lors d’une manifestation contre les pénuries de pain et de carburants. Ces décès ont suscité une vague de réprobation dans le pays. Jeudi, quatre personnes réclamant justice lors d’un rassemblement à Omdourman près de Khartoum, ont été tuées.

Le Conseil militaire a annoncé vendredi l’arrestation de neuf paramilitaires des RSF accusés d’être impliqués dans la mort des lycéens. « Une enquête a été ouverte sur les événements d’Al-Obeid et sept membres des RSF ont été limogés et remis à la justice civile pour être jugés », a déclaré le général Chamseddine Kabbachi, porte-parole du Conseil militaire. Jeudi, « deux autres membres des RSF ont été arrêtés, donc ils sont neuf au total », a-t-il ajouté.

Les RSF accusées d’exactions au Darfour

Dirigées par Mohammed Hamdan Daglo, aujourd’hui numéro deux du Conseil militaire, les RSF étaient un pilier du régime du président Bachir, avant de contribuer à sa chute. Elles sont accusées de terribles exactions, notamment pendant le conflit du Darfour (Ouest) déclenché en 2003. Mercredi, le général Jamal Omar, aussi membre du Conseil militaire, avait accusé des paramilitaires des RSF d’avoir « tiré sur les manifestants » à Al-Obeid sans recevoir d’ordres en ce sens, après avoir essuyé des jets de pierres. « Nous avons identifié ceux qui ont tiré à balles réelles et entraîné la mort des six » manifestants, avait-il affirmé.

En décembre 2018, des manifestations avaient éclaté au Soudan contre le triplement du prix du pain dans un pays à l’économie exsangue. Elles se sont ensuite transformées en contestation du pouvoir. La répression de ce mouvement de contestation a fait plus de 250 morts, selon un comité de médecins proche des protestataires.

Cette révolte inédite a entraîné la destitution et l’arrestation par l’armée du président Omar Al-Bachir, porté au pouvoir par un coup d’Etat en 1989 et réclamé par la Cour pénale internationale de La Haye pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide au Darfour. Inculpé de corruption, M. Al-Bachir doit être jugé au Soudan à partir du 17 août.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 03/08/2019 à 09h28, mis à jour le 03/08/2019 à 09h30