Egypte: une "justice parallèle" pour mieux réprimer

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Le 28/11/2019 à 08h29, mis à jour le 29/11/2019 à 13h10

Les autorités égyptiennes utilisent un système de « justice parallèle » dans le but de réprimer toute opposition au président Abdel Fattah al-Sissi, a estimé Amnesty International dans un rapport rendu public hier.

« En Égypte, la situation empire, la répression se durcit », a estimé Katia Roux, d’Amnesty International France, lors d’une conférence de presse de présentation du rapport à Paris. « Dans l’Égypte de Sissi, tous les détracteurs du gouvernement sont perçus comme des terroristes potentiels », a estimé Mme Roux.

Dans son rapport, l’organisation de défense des droits humains a appelé à une enquête, par une commission indépendante, sur le rôle du parquet général de la sûreté d’État (SSSP), outil, selon elle, de la politique répressive actuelle du gouvernement égyptien.

Cette instance judiciaire spéciale traite des activités jugées menaçantes pour la sécurité nationale, notamment en enquêtant sur des militants politiques ou des personnalités islamistes, dont certaines issues de la confrérie des Frères musulmans, interdite en Égypte.

Dans son rapport d’une soixantaine de pages, intitulé « État d’exception permanent », Amnesty a interrogé des dizaines d’anciens détenus et leurs avocats. Elle a également eu accès à des documents officiels sur les cas de 138 personnes qui ont fait l’objet d’enquêtes du SSSP entre 2013 et 2019. L’organisation a observé une hausse du nombre de dossiers traités par le SSSP, soit 1 739 en 2018 contre 529 seulement en 2013. Selon Amnesty, cette hausse a permis aux autorités d’arrêter des suspects et de les placer en détention provisoire pendant la période d’enquête. Mais ces détentions s’éternisent pendant des mois, voire des années, selon Amnesty, qui ajoute que beaucoup de suspects ont été visés du fait de leur engagement en politique ou en faveur des droits humains.

Situation répressive

D’autres ont été arrêtés et détenus pour avoir partagé des opinions sur les réseaux sociaux, alors que le pays a adopté l’an dernier une loi visant à mettre un frein à la liberté d’expression en ligne. Et d’autres encore ont été ciblés pour avoir manifesté, un droit qui a été suspendu en 2013 par les autorités égyptiennes.

Outre une enquête publique sur le rôle de la SSSP, Amnesty demande que toutes les décisions de « détention provisoire » redeviennent l’apanage des juges et non d’un parquet spécial.

Amnesty demande également des « procès équitables », soit l’accès aux avocats et aux dossiers d’investigation pour les suspects.

Enfin, l’organisation de défense des droits humains demande au président Sissi d’instituer un système de « surveillance national indépendant pour tous les lieux de détention, y compris ceux gérés par l’Agence nationale de la sécurité ».

Les organisations de défense des droits humains accusent régulièrement les autorités égyptiennes de confisquer les libertés individuelles et de réprimer toute forme d’opposition religieuse ou libérale. L’État d’urgence est renouvelé régulièrement en Égypte depuis 2017. Les autorités ont arrêté récemment quelque 4 000 personnes après des manifestations d’ampleur limitée au Caire et dans d’autres villes d’Égypte contre le président Sissi.

Mardi soir, les États-Unis, alliés-clés de l’Égypte, ont réagi, après une série d’arrestations de journalistes égyptiens, par la voix de leur secrétaire d’État, Mike Pompeo, qui a exhorté Le Caire à respecter la liberté de la presse.

Dimanche, la police égyptienne avait perquisitionné les locaux de Mada Masr, l’un des derniers médias indépendants du pays, arrêtant brièvement trois de ses journalistes. Mardi soir également, des avocats et militants politiques ont indiqué sur Facebook avoir vu des policiers arrêter trois autres journalistes dans un café à Guizeh, à l’ouest du Caire. « Dans le cadre de notre relation stratégique de longue date avec l’Égypte, nous continuons à soulever l’importance fondamentale du respect des droits humains, des libertés universelles et du besoin d’une société civile robuste », a déclaré M. Pompeo.

Les organisations de défense des droits humains dénoncent régulièrement l’absence de réactions de la part de la communauté internationale vis-à-vis de la situation répressive en Égypte. « Nous demandons aux alliés internationaux de l’Égypte, et en particulier à la France, de ne pas rester silencieux. Ils doivent mettre la pression sur les autorités égyptiennes et dénoncer publiquement ces abus », a estimé Mme Roux.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 28/11/2019 à 08h29, mis à jour le 29/11/2019 à 13h10