71 soldats nigériens ont été tués dans l’attaque du camp militaire nigérien, dûment préparée et revendiquée par le groupe Etat islamique. Un épisode tragique qui confirme que le pays africain, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, est confronté à une insurrection islamiste dont la force de frappe ne cesse de croître.
«Ca va très mal et cela va continuer d’empirer», craint Michael Shurkin, politologue à l’institut de recherche RAND, résumant une pensée largement partagée dans la communauté des experts de la zone rencontrés par l’AFP à Washington.
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Convaincu de l’importance de la mission de la force antijihadiste Barkhane et de la qualité du travail des soldats français, cet ancien analyste à la CIA décrit une situation effrayante au Niger. « Il y a trop peu de soldats locaux, à qui il manque compétences et équipements. Les Français ne sont pas assez nombreux non plus. »
L’attaque d’Inates est la plus meurtrière depuis le début de l’offensive jihadiste en 2015 au Niger. Le Mali a été frappé par une série d’assauts sanglants, plus de 140 soldats ont été tués. Le Burkina Faso avait pour sa part perdu 24 militaires en août, dans un assaut contre la base de Koutougou, également près de la frontière malienne.
«Il n’est pas possible de régler la situation en tuant tout le monde. La situation est hors de contrôle », estime un responsable du département américain de la Défense sous couvert de l’anonymat. « Les États sont désorganisés, je pense qu’ils sont juste dépassés.»
Le G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mauritanie), censé s’unir face à un ennemi chaque semaine plus menaçant, demeure selon lui une idée plus qu’une force. « Avec plus de soutien international, ils pourraient devenir un acteur mais aucun signal n’indique que ce soit en train de se produire ».
«La nuit, on craint les jihadistes»
Comme les premières réactions au Niger l’ont montré, les opinions publiques locales s’interrogent ouvertement sur le rôle de la force française, qui maintient 4.500 hommes sur le terrain. Un chiffre faible, compte-tenu de l’espace concerné, soulignent les analystes.
«Tout le monde sait que Barkhane n’est pas assez important pour faire plus qu’éteindre un feu plus gros encore. C’est la pire des justifications pour une guerre, mais la France en est là », estime Michael Shurkin.
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Dans cette immense région aride et pauvre, balayée par le vent et le sable et délaissée par les Etats centraux, les dynamiques sociales et politiques évoluent selon des logiques tribales, très localisées, au sein desquelles les groupes djihadistes ont su s’inscrire.
«Les groupes progressent dans leur lecture des réalités locales et commencent à proposer des formes de gouvernance», constate Emily Estelle, de l’American Entreprise Institute (AEI). Ils «assouvissent des besoins simples de la population», ajoute-t-elle évoquant par exemple la gestion des droits d’exploitation des terres ou de l’usage de l’eau dans les villages.
Les forces de sécurité locales ne sont elles-mêmes pas exemptes de tous reproches, entre arrestations de masse et exécutions sommaires d’individus accusés de soutenir les jihadistes. «Le jour, on craint l’armée, la nuit on craint les djihadistes», a indiqué un villageois aux équipes de l’AEI. Un cul-de-sac sanglant et désespéré.
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Progressivement, les groupes enrôlent donc des combattants et se font plus efficaces. Sans même être informée du dernier épisode au Niger, Emily Estelle constatait mardi une escalade depuis deux ans des «attaques de bases militaires, par rapport à ce à quoi l’on assistait dans le passé». Les capacités d’action des djihadistes augmentent, la réponse des États stagnent.
Le président français Emmanuel Macron a annoncé le report à janvier du sommet consacré à l’opération Barkhane et au G5 Sahel, initialement programmé lundi prochain pour notamment clarifier avec les dirigeants africains les positions de chacun sur la présence militaire française.
Mais aucun des experts interrogés par l’AFP n’imagine la France quitter la région, au risque de laisser les djihadistes agir librement à quelques milliers de kilomètres de son territoire. Aucun ne la voit non plus augmenter massivement sa présence, encore moins pacifier la région rapidement.
«La France est autant déployée que possible et n’y arrive pas. Aucun Etat ne peut renflouer la région», estime Jacob Zenn, de la Fondation Jamestown à Washington. Avec en tête plus de questions que de réponses. «Est-ce que l’arc d’instabilité (Niger, Burkina, Mali) va se concrétiser ? Est-ce que le Togo, le Bénin, le Ghana sont préparés ?».