Libye: les 25 milliards de raisons d'Erdogan de soutenir Tripoli contre Haftar

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Le 27/12/2019 à 09h27, mis à jour le 27/12/2019 à 09h29

Ankara a signé d'importants contrats portant sur des dizaines de milliards de dollars avec le gouvernement libyen d'entente nationale, mais il y a également deux autres raisons qui font que la Turquie va vers l'escalade dans le soutien de Tripoli.

Recep Tayyip Erdogan va envoyer des troupes au sol en Libye dès le mois de janvier 2020, afin de soutenir plus activement le Gouvernement d'entente nationale (GNA) basé à Tripoli. Une loi sera votée à l'ouverture de la session parlementaire prévue le 7 du mois prochain, a promis l'homme fort d'Ankara.

Beaucoup s’interrogent sur cette dangereuse escalade et ses éventuelles conséquences sur le conflit libyen, mais visiblement Erdogan fait des mains et des pieds pour envoyer vite ses soldats contre le maréchal Haftar.

Le président turc a au moins trois raisons pour engager des troupes au sol. La première est purement financière, car si l'argent est toujours le nerf de la guerre, il en est également souvent la principale raison. Les Turcs ont fourni des drones coûtant 2,5 millions d'euros chacun au gouvernement de Fayyez El-Serraj. Or, si ce partenaire perd la guerre, il n'est pas sûr qu'ils se feront payés.

De plus, Ankara, à travers ses entreprises de génie civil, a signé pour 25 milliards de dollars de contrats liés notamment à la reconstruction du pays. Là aussi, il faudra que la victoire aille à Tripoli et non à Tobrouk, sans quoi aucun bulldozer turc ne foulera le sol libyen. Et il faudra dire adieu à cette somme colossale.

La deuxième raison est purement géostratégique. La Turquie n'est pas en bons termes avec ses voisins de la Méditerranée, ni avec la Grèce, ni avec l'Egypte, ni avec Israël. Il lui suffit de perdre la Libye pour que son isolement soit quasi total.

De plus, il y a quelque temps, Ankara a signé avec Tripoli un accord délimitant la frontière maritime et offrant un large accès, voire un contrôle, à la Turquie. Erdogan entend mettre à profit cette accord pour l'exploitation du gaz en Méditerranée, lesquelles ressources en gaz sont déjà source de tension avec le voisin égyptien qui soutien Khalifa Haftar.

Enfin, au niveau interne, le président Turc sait qu'il a besoin de victoire militaire à l'étranger pour se renforcer politiquement. Son parti a récemment perdu la mairie d'Istambul et sa popularité ne fait que chuter. Ses interventions en Syrie et, bientôt, en Libye, lui permettent de fédérer la nation turque autour du chef de guerre qu'il veut incarner.

Evidemment, cette implication turque sur le terrain est plus que dangereuse et ne fera que compliquer davantage la recherche d'une solution politique à ce conflit. Elle pose beaucoup de question sur l'avenir de la Libye et de la région.

Par Djamel Boutebour
Le 27/12/2019 à 09h27, mis à jour le 27/12/2019 à 09h29