Le visage couvert de poussière et griffé, un jeune garçon explique faire partie de 520 élèves enlevés par "le gang de Shekau", du nom du chef historique de Boko Haram.
Des centaines de mineurs, collégiens et lycéens, ont été enlevés vendredi soir par des hommes armés, surnommés des "bandits" dans cette région du Nigeria, opérant pour le groupe jihadiste Boko Haram, dont la zone d'influence se trouve à des centaines de kilomètres plus à l'est. Ils ont été enlevés dans leur pensionnat situé à Kankara.
Leur nombre exact restait flou, les autorités annonçant tantôt 333 élèves portés disparus, puis 400 jeudi matin. Dans cette video, Boko Haram affirme, par la voix de ce jeune garçon d'environ 14 ans, qu'ils sont 520 entre leurs mains, et que certains ont été tués.
Les enfants, pour la plupart très jeunes, apparaissent à bout de force, entassés dans une forêt, dans des conditions sanitaires très dégradées.
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La vidéo, diffusée par les canaux traditionnels du groupe, est enregistrée en partie en anglais, puis en langue haoussa, parlée notamment dans le nord du Nigeria. Un homme se présentant comme Abubakar Shekau diffuse ensuite un message vocal dans lequel il affirme: "Voici mes hommes et ce sont vos enfants."
Selon des informations de l'AFP, ce rapt de masse a été coordonné par le chef de gang Awwalun Daudawa en collaboration avec deux autres bandits renommés, Idi Minoriti et Dankarami, groupes armés qui terrorisent les populations dans le nord-ouest du Nigeria, et perpètrent des enlèvements contre rançon et des vols de bétail.
Selon plusieurs témoignages de jeunes garçons qui ont réussi à s'échapper, les otages ont été divisés en plusieurs groupes, le soir même de leur enlèvement.
Selon une source sécuritaire proche du dossier, les lycéens qui apparaissent dans cette vidéo sont ceux détenus par Awwalun Daudawa, qui répond directement aux ordres de Boko Haram, et les autres pourraient être libérés à la suite de négociations engagées entre les ravisseurs et le gouvernement local.
"Séjour personnel"
Cette attaque, qui ranime le spectre de l'enlèvement de plus de 200 jeunes filles à Chibok en 2014, est un terrible camouflet pour le président nigérian Muhammadu Buhari, originaire de l'Etat de Katsina où il célébrait jeudi ses 78 ans.
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Ce week-end, son porte-parole avait déclaré que le président se rendait à Daura, non loin de Kankara, dans sa "ferme" pour une semaine de "séjour personnel".
La présidence a publié un communiqué samedi condamnant l'attaquant contre des "enfants innocents". Il a aussi promis de renforcer la sécurité dans les écoles, fermées dans plusieurs Etats du nord du pays depuis mercredi à cause de l'insécurité rampante.
Le chef de l'Etat a rencontré le gouverneur de l'Etat de Katsina lundi pour être "informé de l'avancée" de la situation, selon son porte-parole Garba Shehu.
Mais il n'a fait aucune déclaration depuis la revendication de cet enlèvement par les jihadistes mardi, et ses porte-parole renvoyaient les journalistes vers les autorités locales.
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Un groupe de la société civile, la Coalition des groupes du Nord (The Coalition of Northern Group, CNG), avait annoncé une manifestation dans sa ville natale de Daura, qui a été empêchée par des services de sécurité.
Quelques dizaines de manifestants, dont des parents des enfants enlevés, se sont alors rendus à Katsina City, la capitale de l'Etat et se sont réunis devant la maison du gouverneur scandant le slogan #BringBackOurBoys, en écho au slogan de #BringBackOurGirls, qui avait ému la planète au lendemain de l'enlèvement de Chibok.
"Le président a failli dans sa mission", a déclaré à l'AFP Jamilu Aliyu Turanci, l'un des représentants de CNG. "M. le président n'a montré aucun signe de compassion, le président n'a montré aucun signe d'intérêt, ni d'humanité (...) envers ces enfants".
Muhammadu Buhari, ancien général élu en 2015 puis en 2019, avait fait de la lutte contre Boko Haram sa priorité.
Boko Haram et sa branche dissidente, le groupe Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap), actifs dans le nord-est du Nigeria, ont fait plus de 36.000 morts en dix ans de conflit et deux millions de personnes ne peuvent toujours pas regagner leur foyer.