La "continuité" est le maître mot de la campagne de celui qui a été le bras droit de Mahamadou Issoufou durant ses dix années de pouvoir: dans le développement de l'un des pays les plus pauvres du monde, comme dans la lutte contre l'insécurité qui n'a fait qu'augmenter ces dernières années, il entend "poursuivre" l'oeuvre de son mentor.
Bazoum est longtemps resté derrière, s'occupant de l'appareil du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, dont il est un des membres fondateurs comme Issoufou) mais aussi en jouant les fidèles lieutenants comme ministre de l'Intérieur ou ministre d'Etat à la présidence lors de la réélection d'Issoufou en 2016.
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Homme réputé de réseau, avec de bonnes relations à l'étranger, il a quitté ses fonctions mi-2020 pour se consacrer à la présidentielle, graal programmé d'un homme de l'ombre devenu premier de cordée de l'imposante machine déployée pour l'élection par le PNDS."Face au PNDS, c'est très difficile", reconnaît une source diplomatique occidentale.De fait, le rose, couleur du parti, a recouvert les rues et ruelles des villes du Niger - principaux foyers des quelques 7,4 millions d'électeurs pour 22 millions d'habitants - tandis que l'ancien professeur de philosophie affirme avoir "sillonné" quasiment toutes les communes du pays.Né en 1960 à Bilabrine dans la région de Diffa (sud-est), Bazoum est arabe, une ethnie minoritaire au Niger, ce qui lui vaut aujourd'hui des accusations sur ses origines "étrangères".
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Si avant le premier tour ce débat l'agaçait, la posture est aujourd'hui à l'apaisement, pour celui qui entend diriger le pays: ce sont des "petits débats" qui n'engagent que ceux qui les lancent, dit son entourage, en glissant au passage une pique sur son adversaire Ousmane: "son père est Tchadien".
- Rigueur et fermeté -
Après des études à Gouré (sud-est), puis un baccalauréat à Zinder, Bazoum part étudier la philosophie au Sénégal, d'où il est ressorti avec six ans de professorat dans des lycées de villes de province, et un certain talent d'orateur.Son accessibilité et son ancrage philosophique à gauche sont toutefois nuancés par un "air dur, celui de quelqu'un dont on sait qu'il peut avoir la main ferme", selon un observateur de la politique nigérienne à Niamey.Les partenaires du Niger, principaux bailleurs d'un pays très fortement dépendant de l'aide internationale, où France comme Etats-unis ont des bases militaires, préfèrent voir dans Bazoum l'assurance d'un leader en phase, quitte à détourner le regard sur certains sujets.Notamment sur les affaires de corruption qui ont miné la présidence Issoufou. Mais, avantage certain pour Bazoum, "son nom n'est pas cité dans les principaux scandales de corruption qui ont souvent éclaboussé le régime" et "on lui reconnaît une certaine rigueur dans la gestion des affaires publiques et un franc parler", dit Ibrahim Yahya Ibrahim, chercheur à International Crisis Group (ICG).
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Sous Issoufou, il se disait de lui qu'il était le vrai numéro deux de l'Etat, devant le Premier ministre Brigi Rafini, qu'il gérait toutes les affaires sensibles et qu'il était consulté sur tous les dossiers, de la diplomatie à l'économie, mais particulièrement sur les questions sécuritaires, centrales dans un pays en proie aux attaques jihadistes.Reste que, s'il est élu, ses relations futures avec le futur ex-président font déjà l'objet de débats: Issoufou et Bazoum resteront-ils comme deux doigts d'une même main, ou bien le Niger doit-il redouter un scénario où, comme en Mauritanie, l'ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz et ex-mentor de l'actuel chef d'Etat, Mohamed Ould Ghazouni, est tombé en disgrâce après avoir quitté le pouvoir?