La circulation a été interrompue dans la nuit du 18 au 19 septembre 2017 (lundi et mardi derniers), sur l’axe routier Yaoundé-Douala, pour permettre aux ingénieurs du ministère des Travaux publics (MINTP) de restaurer une buse affaissée. Un effondrement qui a laissé de longues fissures sur la chaussée, au lieudit Ebombè. En urgence, une intervention similaire s’était déjà déroulée durant le week-end du 2 au 3 septembre 2017, à la porte de Douala.
L’histoire retiendra que le 21 octobre 2016, de dizaines de Camerounais sont morts dans un accident de train, hyper-surchargé. Surchargé parce que ce jour, le train était la seule option pour rallier les deux grandes métropoles du pays, Yaoundé et Douala.
L’avion est un luxe et de toute façon, la compagnie aérienne nationale (CAMAIR-Co) est défaillante. En générale, c’est sur l’unique axe routier entre les deux capitales (politique et économique) que les populations se déversent. Lequel hélas, était coupé en deux le 21 octobre 2016, pour cause d’effondrement.
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Sur le terrain, ce triste jour du 21 octobre, le ministre des Travaux publics, Emmanuel Nganou Djoumessi avait avoué que sur cet axe, dit Route nationale N°3 (RN3), «nous avons 330 ouvrages hydrauliques à reconsidérer. Ces ouvrages ont fait leur temps. Il s’agit la plupart du temps de buses métalliques qui avaient été retenues à la période de leur construction parce que c’est ce que la technologie recommandait alors. Mais le phasage de ces ouvrages a déjà été entrepris, pour qu’ils soient remplacés par des dalots en béton armé». Emmanuel Nganou Djoumessi avait alors annoncé, en octobre 2016, que «tous ces travaux vont démarrer d’ici la fin de l’année» et rendu pratiquement en fin 2017, c’est-à-dire un an plus tard, mais toujours rien!
Et voici que les buses concernés ont commencé à céder, l’une après l’autre. Jusqu’ici, pas des victimes humaines (en ignorant les victimes de la catastrophe ferroviaire d’Eseka). Juste des pertes de temps et d’argent, avec un impact certain sur l’économie nationale et de la région CEMAC. Car la RN3 est un tronçon du corridor Douala-Bangui et Douala-N’Djamena. Une voie stratégique permettant au Tchad et la République centrafricaine d’importer et d’exporter via le port de Douala qui leur donne accès à la mer.
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Pour les usagers de cet axe, c’est la peur. «On ne sait ni le jour, ni le lieu où une des vieilles buses va s’affaisser et nous ensevelir», s’inquiète le conducteur d’une agence de voyage.
Sur le manque d’anticipation des pouvoirs publics, un responsable du MINTP indique que «cet axe est sous contrats d’entretien mais les entreprises adjudicataires sont défaillantes. Elles doivent observer les buses et tirer la sonnette d’alerte». Notre informateur avoue également que «les fonds font défauts. Le budget alloué au MINTP ne permet pas de couvrir ces travaux qui nécessitent 150 milliards de F. On n’a pu dégager que 10 milliards de F CFA».
Au pays, des voix s’élèvent, notamment dans des débats radios et télés, pour dénoncer les choix du gouvernement. Pourquoi investir des milliards dans les chantiers de la CAN 2019 alors que les routes sont de plus en plus meurtrières? Une question que des acteurs de la société civile et syndicalistes ont posé vendredi dernier au DGA du FMI, en visite de travail au Cameroun. Mitsuhiro Furusawa a clairement regretté cette «dépense de prestige» qui ne participe en rien au développement du pays. «Mais c’est un choix souverain du chef de l’Etat du Cameroun», avait-il indiqué. Mais quel choix !