Cameroun: polémique autour du monument d’une artiste française à Douala

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Le 07/12/2017 à 17h12

L’œuvre d’une plasticienne française a été détruite par des activistes aidés des habitants d'un quartier de Douala où elle était exposée. Ils préfèrent voir l’érection de monuments à la gloire des héros nationaux.

L’œuvre de Sylvie Blocher, exposée dans le cadre du Salon urbain de Douala, un festival international d’art public qui a ouvert ses portes le 6 décembre à Douala, n’est pas du goût de tout le monde.

L’œuvre, intitulée «Bien que je n’en aie pas le droit, je vous présente mes excuses», a été érigée à l’un des carrefours de la ville, dans le quartier populaire de Bonakouamouang, avec la bénédiction de la communauté urbaine de Douala, partenaire de l’évènement.

Elle représente un autoportrait géant de l’artiste en pied, brandissant une pancarte où est inscrite cette phrase: «Bien que je n’en aie pas le droit, je vous présente mes excuses». «Depuis toujours cette question hante mon travail: une personne ou un pays peuvent-ils se reconstruire ou s’émanciper s’ils n’ont pas reçu d’excuses de ceux qui les ont violentés, massacrés, exterminés?», explique Sylvie Blocher. Son œuvre peut se comprendre comme une façon de demander pardon au peuple camerounais pour les souffrances subies durant la colonisation.

Une partie de la population du quartier n’a pas apprécié la démarche. Certains habitants auraient préféré que soient exposés des monuments de figures historiques du pays. «Au même endroit, le délégué du gouvernement avait refusé que soit placée une statue de John Ngu Foncha», rappelle Paul Nana, journaliste sur une chaîne TV locale. John Ngu Foncha est un ancien Premier ministre du Cameroun anglophone qui œuvra pour la réunification du pays.

Du reste, l’œuvre a été déboulonnée et détruite par André Blase Essama, l’un des plus fervents défenseurs de la cause nationaliste dans la ville. Celui-ci a écopé il y a quelques mois d’une peine de prison pour avoir vandalisé une statue du général Leclerc érigée en plein centre administratif de Douala. Sur les réseaux sociaux, les internautes de la ville ont salué cette action, considérant que cette œuvre était une façon pour l’artiste de perpétrer l’impérialisme de l’Occident tout en égratignant l’image des grandes figures de l’histoire du pays.

Par Elisabeth Kouagne (Abidjan, correspondance)
Le 07/12/2017 à 17h12