"Je vais sur l'île de Matemo", explique l'agricultrice, les pieds dans l'eau. Il y a quelques jours, elle a quitté précipitamment son village de Nathuco visé par les "shabab", ces jeunes musulmans fondamentalistes qui multiplient les attaques meurtrières dans la province du Cabo Delgado.
"J'ai tout laissé derrière moi", explique Fatima Uaide. "C'est la saison de la récolte du riz et je vais tout perdre. On va sûrement avoir faim mais il vaut mieux partir pour sauver les enfants".
Comme elle, ils seraient plusieurs milliers à avoir pris la route de l'exode pour échapper aux violences islamistes.
Le bilan de leur récente vague de raids dans cette région mozambicaine à majorité musulmane fait froid dans le dos. Plus d'une trentaine de civils tués, certains décapités, de nombreux blessés, des centaines de maisons pillées et brûlées...
Prise de panique, la population a déserté de nombreux hameaux de la région. Certains ont pris la direction de la côte pour rallier tant bien que mal les îles de l'archipel des Quirimbas, d'ordinaire réservées aux touristes fortunés.
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D'autres ont trouvé refuge à Macomia, le chef-lieu du district du même nom, où l'armée s'est déployée en force. Certains ont pris la fuite vers Pemba, la capitale de la province, à 200 km au sud.
Jours difficiles
"J'ai préféré quitter le village pour des raisons de sécurité", confie Atanasio Nacir, le directeur de l'école publique de Naunde, cible d'une attaque la semaine dernière. "On a choisi de prendre le large en attendant que la situation s'améliore".
Plus de la moitié des quelque 2.300 habitants de son village ont fait de même, dans la plus totale confusion.
"Nous vivons des jours très difficiles à cause des attaques barbares qui ont déstabilisé la région et provoqué de nombreuses morts, des déplacements, l'abandon de villages et la fin de la vie normale", résume le père Luiz Fernando Lisboa, du diocèse catholique de Pemba.
De nombreux habitants du district de Macomia ont été subitement plongés dans la plus extrême précarité. Sans toit, sans nourriture, sans accès à l'eau.
"Ce dont nous avons avant tout besoin, ce sont des tentes pour abriter les gens dont les maisons ont été brûlées", s'inquiète le chef du village de Naunde, Mauricio Miranda. "Beaucoup de familles sont contraintes de dormir à la belle étoile, sous les arbres. Nous n'avons encore reçu aucune aide".
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Les conditions de survie des déplacés qui ont réussi à gagner les îles de Matemo et Ibo semblent tout aussi difficiles.
"Certaines familles hébergent sous leur toit plus de dix personnes", rapporte sous couvert d'anonymat un tour-opérateur local, "la situation est totalement chaotique, les déplacés ne bénéficient d'aucune aide".
"Eliminer ce mal"
Mises en cause pour la lenteur de leur réaction, les autorités locales et le gouvernement affirment avoir pris la mesure de la situation et organisé la riposte.
Mercredi, les premiers camions d'aide sont arrivés à Naunde, dévasté par les islamistes dans la nuit du 4 au 5 juin. Avec l'aide des militaires, ils y ont apporté nourriture, vêtements, seaux, outils et matériaux pour la reconstruction des maisons.
"Ce soutien est la manifestation de la solidarité du gouvernement et de la population de la province du Cabo Delgado", souligne la chef du district de Macomia, Joaquina Nordine. "Après cette tragédie (...), nous appelons tout le monde à avancer et à reprendre au plus vite une vie normale".
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Cette aide d'urgence n'est toutefois pas totalement désintéressée. En échange, les autorités espèrent une meilleure collaboration des population dans la traque aux islamistes.
"Nous appelons la population (...) à aider le gouvernement à combattre et éliminer totalement ce mal", déclare ouvertement Mme Nordine.
Mais l'arrivée des premiers secours est loin d'avoir calmé les critiques. "Malheureusement, ces terribles événements n'ont pas reçu de réponse adéquate du gouvernement central", déplore, amer, le père Luiz Fernando Lisboa.
Et de remarquer que l'agence nationale de gestion des situations d'urgence n'a pas été mobilisée pour venir en aide aux victimes des attaques islamistes. Elle attend toujours que le gouvernement déclare l'état d'urgence.