Le principe: lâcher des moustiques mâles génétiquement modifiés dont l'accouplement avec des femelles sauvages "normales" donneraient des "œufs qui n’arrivent pas à maturité et donc ne sont pas viables", explique le Dr Abdoulaye Diabaté, chercheur principal de Target Malaria (Objectif paludisme), une organisation à but non lucratif.
"Cela permettra de réduire considérablement et en un temps rapide des populations entières de ces moustiques et contribuer à l’élimination du paludisme", assure le Dr Diabaté, soulignant que les méthodes actuelles de lutte contre le paludisme tant en amont qu'en aval (insecticides, moustiquaires et traitements pharmaceutiques en préventif ou curatif) "montrent leurs limites".
En septembre, le projet a reçu l'autorisation de l'Agence nationale de biosécurité pour procéder à des lâchers de moustiques génétiquement modifiés mâles stériles sur deux sites d’étude.
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Au Burkina Faso, le paludisme constitue un problème majeur de santé publique avec plus de huit millions de cas estimés en 2016 et 21.000 décès. Au plan mondial, selon l'Organisation mondiale de la santé, "on estime qu’il y eu, en 2016, 216 millions de cas de paludisme dans 91 pays, soit cinq millions de cas de plus qu’en 2015. Le paludisme a entraîné 445.000 décès en 2016. 90% des cas de paludisme et 91% des décès dus à cette maladie sont survenus" en Afrique.
En tout, "10.000 moustiques +autolimitatifs+ seront lâchés dans les prochains mois pour une expérience d’observation dans les localités de Bana et Souroukoudingan".
Ces "lâchers à petite échelle" permettront "d’acquérir des informations sur le taux de survie quotidien des moustiques mâles stériles, sur leurs mouvements dans le village et sur la capacité de ces moustiques à participer aux essaims".
La technologie, une fois adaptée, pourrait permettre d'éradiquer le paludisme en éliminant le moustique anophèle gambiae et elle sera mise à disposition des autorités des pays où elle aura été approuvée sans coût de licence.
Le Dr Diabaté assure que le projet ne présente pas de risque pour les humains, les animaux ou l'environnement.
"Cobayes humains"
Le Collectif citoyen pour l’agro-écologie, regroupant une soixantaine d'organisations, est radicalement contre le projet, estimant que "le risque zéro n'existe pas, surtout avec des manipulations génétiques".
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"Le lâcher des moustiques génétiquement modifiés comporte un risque de catastrophe sanitaire effroyable. La modification du génome d'une espèce vivante peut entraîner un changement de comportement de cette espèce. La technologie à laquelle Target Malaria veut in fine arriver est un forçage génétique qui va amener les moustiques à disséminer un trait de caractère qui va descendre et contaminer toute la descendance de l'espèce".
"Cela est dangereux parce l'organisme du moustique pourrait héberger d'autres types de maladies, d'autres types de résistance par rapport au paludisme", estime le coordonnateur du Collectif, Ali Tapsoba. "Cela peut engendrer la catastrophe".
Le collectif critique aussi les méthodes qui mettraient en péril ceux qui travaillent pour le projet. Il dénonce notamment l'emploi de "captureurs, des jeunes qui doivent se laisser piquer afin de pouvoir capturer les moustiques à l'aide de tubes. Ce sont des cobayes humains".
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"Les populations ignorent l'enjeu de ce projet et ses conséquences, alors que d'autres mêmes ignorent la présence d'un tel projet dans leurs localités", affirme-t-il, jugeant "aberrant et impensable que l'agence nationale de biosécurité donne une autorisation de lâcher de moustiques sans un débat public".
Sur place, la tension monte. Les habitants et notamment les captureurs pour qui Target Malaria est une source de revenus ont peur qu'on supprime le projet.
Des équipes de journalistes ont été repoussées par les populations, a rapporté l'AFP, alors que le collectif a essuyé des menaces.
"Dans le village de Bana, deux à trois personnes avec des jeunes captureurs nous ont empêché d'avoir accès au village et nous ont formellement interdit d'interroger qui que ce soit, autrement nous ferons l'objet d'agression physique. Dans cette atmosphère, nous avons quitté les lieux", a dit Tapsoba. "Mais d'autres personnes nous ont joint de manière contournée pour dire leurs inquiétudes".
Le Collectif va introduire un recours devant le tribunal administratif.
Le Burkina Faso, pays sahélien d’Afrique de l’Ouest, avait expérimenté le coton transgénique de Monsanto, introduit en 2008, avant d'y renoncer en affirmant qu’il n’était pas rentable, sa fibre devenant de plus en plus courte et étant donc vendue moins cher sur les marchés mondiaux.