Agé d'une cinquantaine d'années, Pascal Bida Koyagbele a suivi des études scientifiques en France, ancienne puissance coloniale, ainsi qu'une formation d'agriculture biologique en Afrique du Sud.
Président de l'Association des paysans centrafricains (APC) qui a pignon sur rue à Bangui, il a lancé l'an dernier dans la capitale une ferme biologique où il fait pousser des fruits et légumes.
Il y forme aussi des élèves agriculteurs, qu'il appelle les "soldats de la terre", en collaboration avec une commune et une association du Luxembourg.
Cet ex-militant écolo aime à rappeler qu'il a fait partie des faucheurs volontaires des champs d'OGM (organismes génétiquement modifiés), à l'initiative notamment de l'atermondialiste et agriculteur français José Bové.
Aujourd'hui, c'est avec son champ biologique qu'il veut changer les pratiques agricoles et il se prépare à accueillir sa deuxième promotion de 60 paysans.
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Jeunes ou âgés, venant de différentes régions centrafricaines, ils vont travailler pendant quatre mois dans sa ferme en échange d'une formation aux outils d'analyse et aux techniques agricoles.
A l'issue de leur formation, ils retourneront dans leur villages utiliser et propager les techniques apprises.
"Nous sommes en train de préparer une offre de micro-crédit avec le crédit populaire de Centrafrique", affirme Pascal Bida Koagbele qui souhaiterait voir ses anciens élèves équipés d'outils modernes et performants.
N'est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs, dans un pays en conflit depuis des années et où la majorité des fermes ne sont pas mécanisées et difficiles d'accès ?
Pas pour le président de l'ACP qui prétend avoir trouvé "un modèle pour une nouvelle agriculture, pas seulement en Centrafrique mais dans le monde !"
Si le projet est ambitieux, il a le mérite de proposer une solution à deux freins de l'agriculture africaine pointés par la Banque africaine de développement (BAD): des rendements trop faibles et l'utilisation insuffisante d'intrants.
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"On a trouvé la solution pour produire dans des conditions saines et offrir aux consommateurs une nourriture saine, respectueuse de l'homme et de l'environnement", se réjouit Pascal.
Et de vanter la qualité de ses produits bio, oignons, tomates, piments, carottes et melons, "beaucoup plus résistants, de meilleure qualité avec un meilleur goût".
"Engrais magique"
Pour cela, il a mis au point un "engrais magique". Mélangées au compost, trois plantes font office d'insecticide, de fongicide et d'engrais naturel: le neem, l'artemisia et le "nyamba".
"Les vertus du neem sont très connues, l'artemisia aussi", explique Pascal, mais le "nyamba", "plante miraculeuse" qu'utilisent les Pygmées, l'est moins.
Elle repousse les insectes et apporte de l'azote au sol, affirme-t-il en désignant un petit arbuste dans son laboratoire exigu attenant à son champ au bord de l'Oubangui.
Le neem (ou margousier) est quant à lui utilisé depuis des millénaires pour ses vertus insecticides, vermifuges, désinfectantes et abortives.
L'artemesia est en particulier consommé pour soigner le paludisme.
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Pour améliorer ses techniques de permaculture, Pascal Bida Koyagbele a ouvert un petit centre de recherche, dans la région de la Lobaye, dans le sud-ouest de la Centrafrique.
Cette région abrite des communautés pygmées, un peuple de chasseurs et de cueilleurs des forêts tropicales.
En échangeant avec ces experts de la pharmacopée forestière, il espère trouver de nouvelles plantes à ajouter à son compost, qui est, selon lui, bien plus efficace que les engrais et pesticides chimiques.
Pascal Bida Koyagbele"Cet engrais produit par le paysan pourrait lui rapporter de l'argent au lieu d'en dépenser à acheter de l'engrais Monsanto", dit Pascal qui a gardé une certaine nostalgie de ses années militantes alors qu'il étudiait en France.
Il n'a pas fini de chercher d'autres vertus aux plantes utilisées dans son "engrais magique" et étudie la manière dont les fruits pourraient assimiler certaines propriétés du neem ou de l'artemisia: "On aurait alors des tomates anti-cancérigènes, anti-paludéennes".