Cameroun: le gouvernement interdit la séquestration de malades indigents dans les hôpitaux

Des femmes "séquestrées" à l'hôpital.

Des femmes séquestrées à l'hôpital.. DE

Le 27/03/2019 à 08h59, mis à jour le 27/03/2019 à 10h40

La pratique, courante dans certains établissements pour prévenir la fuite des malades incapables de payer la facture de leurs soins, est désormais abrogée. Le ministre de la Santé prescrit en outre la recherche de solutions mieux adaptées et moins dégradantes pour la prise en charge des patients.

Dans une note de service adressée à tous les responsables des formations sanitaires publiques et signée le 14 mars dernier, le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, interdit désormais la «prise en otage» des malades indigents dans les hôpitaux.

Ceux-ci, faute du paiement intégral de leurs factures de soins, sont souvent retenus contre leur gré dans des pièces aménagées à cet effet, dans des conditions déplorables et au mépris du droit, dénoncent certaines associations.

«En déplorant cette situation qui cadre mal avec notre ambition d'humanisation des soins et de justice sociale, et vous répercutant à cet effet, les instructions de la présidence de la République, j'ai l'honneur de proscrire (…) la séquestration des patients indigents dans les formations sanitaires publiques», écrit le ministre de la Santé.

Ce membre du gouvernement ordonne également que soient libérés les patients qui se trouveraient ainsi retenus dans les hôpitaux publics en raison de leur insolvabilité.

En outre, des enquêtes seront menées pour déterminer le statut d'indigents de ces malades.

«En attendant la mise en place effective de la couverture santé universelle, je vous exhorte de bien vouloir me proposer dans les meilleurs délais, des solutions mieux adaptées et moins dégradantes pour la prise en charge des patients indigents dans les formations sanitaires publiques», poursuit le ministre de la Santé publique.

Cette décision s'inscrit dans un contexte où la presse et des lanceurs d'alerte sur les réseaux sociaux ont relayé, il y a quelque temps, des photos de femmes et de leur bébé séquestrés dans une salle à l’hôpital central de Yaoundé, un mois après leur accouchement.

«Quand je suis arrivée à l’hôpital pour accoucher, j’avais seulement de quoi payer un accouchement "classique", soit 55.000 francs CFA. Mais on a finalement dû me faire une césarienne. Je suis restée sept jours en observation. Puis, on m’a demandé de libérer la chambre et de payer. Ma facture s’élevait à près de 200.000 francs CFA. Je ne les avais pas. Ma famille, qui est au village, ne pouvait pas venir et n’avait pas les moyens non plus. Donc, on m’a placée dans la petite salle "A35" de l’hôpital où je devais rester tant que je ne payais pas», témoigne cette parturiente.

Certaines femmes ont pu s'échapper de cette pièce, en trompant la vigilance des gardiens.

Une pratique de séquestration courante dans certains hôpitaux publics, et constatée par le ministre lui-même lors de ses visites sur le terrain.

Elle s'expliquerait par le fait que des patients disparaissent souvent dans la nature en laissant des factures impayées, ont tenté de se défendre certains responsables, manifestement oublieux du serment d'Hippocrate. 

Par Tricia Bell (Yaounde, correspondance)
Le 27/03/2019 à 08h59, mis à jour le 27/03/2019 à 10h40