Comme chaque année, le président rwandais Paul Kagame ouvrira ce jour-là une période de deuil national de 100 jours, en allumant une flamme du souvenir au mémorial de Gisozi à Kigali, avant d'assister à une cérémonie au stade Amahoro.
Cent jours comme le temps qu'aura mis, entre avril et juillet 1994, le régime extrémiste hutu pour tuer au moins 800.000 personnes, selon l'ONU, essentiellement parmi la minorité tutsi, mais aussi chez les Hutu modérés.
L'assassinat au soir du 6 avril 1994 du président rwandais hutu Juvénal Habyarimana a déclenché le génocide. Le lendemain, les Forces armées rwandaises (FAR) et les miliciens hutu Interahamwe, fanatisés par des années de propagande contre les "Inyenzi" ("cafards") tutsi, donnaient le signal des massacres.
Les tueries s'étendent à l'ensemble du pays. Toutes les couches de la population, encouragées par les autorités et les "médias de la haine", s'y adonnent. Hommes, femmes et enfants sont exterminés à coups de machette, jusque dans les églises où ils s'étaient réfugiés.
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Le carnage prend fin lorsque la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) s'empare de Kigali le 4 juillet, déclenchant en retour l'exode de centaines de milliers de Hutu apeurés vers le Zaïre voisin (aujourd'hui la République démocratique du Congo).
Vingt-cinq ans après le dernier génocide du XXe siècle, la terre rwandaise continue de recracher des corps. Des journalistes de l'AFP ont vu il y a quelques jours des ossements d'au moins 30 corps tout juste trouvés dans une fosse commune être déposés au mémorial de Nyamata (sud).
"Le défi de l'unité nationale"
Pour les plus de 12 millions de Rwandais, la période de commémoration est chaque année sombre. "Plus on se rapproche de la date, plus j'y pense. Des bruits, des images d'Interahamwe me reviennent à l'esprit. Je ne dors plus", raconte Damien Munyakayanza, un rescapé du génocide.
Des groupes de discussion sont prévus, ainsi que des veillées. Les survivants nettoient et enterrent à nouveau des os de victimes. Les sites mémoriaux sont aussi nettoyés. Le violet, couleur du deuil, est de mise.
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Le thème des commémorations est "souvenir, unité et renouveau". L'accent est mis cette année sur la jeunesse, qui n'a pas vécu le génocide mais continue à en subir les conséquences.
En l'espace d'une génération, le Rwanda a fait beaucoup, devenant un pôle de stabilité politique, faisant d'un pays en ruines une économie robuste, et en retrouvant une certaine cohésion sociale.
"Lors de ces 25 dernières années, le grand souci ou le grand défi du Rwanda a été la reconstruction de l'unité nationale", déclare à l'AFP Jean-Damascène Bizimana, secrétaire général de la Commission nationale de lutte contre le génocide.
"Il a été question pendant les 25 dernières années d'amener tous les Rwandais à comprendre que nous partageons un même pays, les mêmes droits", ajoute-t-il. "Donc la construction d'un État de droit a été un défi essentiel et capital."
Des obstacles à la réconciliation
Dans la quête de réconciliation, la justice a joué un rôle crucial. Des dizaines de responsables du génocide ont été condamnés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Et quelque deux millions de Rwandais ordinaires ont été jugés par les tribunaux populaires (gacaca).
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Les gacaca fonctionnaient sur le principe des aveux. Mais dans certains cas, l'absence de repentir et le non paiement des réparations dues pour les biens pillés ou détruits restent des obstacles à la réconciliation.
Les Rwandais ne cachent pas que leur pays a encore du chemin à parcourir avant d'être définitivement apaisé. Mais pour les détracteurs du pouvoir, le consensus social n'est qu'apparence, masquant l'emprise totale du régime sur sa population.
"Assurées par un encadrement politique et administratif omniprésent, la "rééducation" et la "réconciliation" autoritaires d’un peuple divisé et traumatisé par la guerre et le génocide prévalent désormais dans tous les domaines d'activité", accuse le chercheur français André Guichaoua.
Le Rwanda comptait sur la présence à Kigali le 7 avril d'Emmanuel Macron. Mais le président français a décliné l'invitation et demandé au député Hervé Berville, orphelin d’origine rwandaise adopté par une famille française en 1994, de le représenter.
Macron espère que ce choix témoignera de sa volonté de construire une nouvelle relation avec le Rwanda, qui continue de reprocher à la France d'avoir soutenu le pouvoir hutu instigateur du génocide.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, dont l'organisation avait été incapable en 1994 d'empêcher les massacres malgré la présence de 2.500 hommes sur place, n'ira pas non plus à Kigali.