"Un véritable exploit", c'est ainsi que la ministre des Armées Florence Parly a qualifié l'opération des forces spéciales, lors d'une conférence de presse, vendredi 10 mai, avec le chef d’État-major des armées François Lecointre. La ministre a décrit «une opération d’une rare difficulté» que peu d’armées au monde sont capables de mener", saluant "l’immense courage de deux officiers mariniers des forces spéciales", Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, morts lors de l’assaut contre les jihadistes.
Dès l’annonce de la disparition des deux touristes français français, portés disparus le 1er mai dans le parc national de la Pendjari, dans le nord du Bénin, des "moyens d’obtenir du renseignement" ont été mis en place, avec l’appui des renseignements américains, a précisé le général d’armée François Lecointre.
À la suite de premiers éléments d’informations obtenus, une opération discrète a été menée le 7 mai les forces spéciales françaises, qui leur a perms de mettre en place une traque précise des ravisseurs des deux Français.
Un transfert des otages vers la katiba Macina empêché
Les forces françaises ont pu alors établir avec certitude que les ravisseurs se dirigaient vers le nord du Burkina Faso, vers la frontière malienne où ils allaient transférer les otages à un autre groupe jihadiste, "la katiba Macina".
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"Le fait que le chef d’État-major cite la katiba Macina - qui devait recevoir les otages côté malien de la frontière - nous fait rentrer dans les détails et la complexité de la région du Sahel", explique Wassim Nasr, journaliste à France 24 spécialiste des réseaux jihadistes.
En novembre dernier, l’armée française avait annoncé avoir "probablement" tué Amadou Koufa, le chef de ce groupe de combattants affilié à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Mais le jihadiste a depuis réapparu dans une vidéo de propagande.
Selon Wassim Nasr, le mode opératoire et la zone d’enlèvement des deux Français pointent vers une branche de l’organisation État islamique (OEI) active dans cette zone, le groupe Abou Walid al-Sahraoui. Si sur la plupart des terrains où ils sont présents, l’OEI et Al Qaïda sont adversaires, au Sahel la situation n’est pas la même, souligne le journaliste. Dans cette immense zone désertique, "les relations personnelles ou tribales priment parfois sur l’animosité entre les groupes". Il est donc tout à fait envisageable que l'OEI ait commis l'enlèvement pour ensuite transférer les otages à la katiba Macina au Mali.
"Le général Lecointre a bien dit qu’ils avaient été enlevés par des terroristes et non pas des criminels".
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Craignant de ne pouvoir organiser une opération de sauvetage en territoire malien, les forces françaises ont décidé de monter une opération avant que les ravisseurs ne franchissent la frontière. "[Mercredi], l’amiral Isnard [à la tête du Commandement des opérations spéciales depuis septembre 2016 ndlr] me fait part que la progression des ravisseurs se stabilise, qu’il y a une halte et que si cette halte se fait dans une zone favorable, nous pourrions intervenir", a précisé le général Lecointre.
L’information de cette halte est conformée jeudi. Les conclusions de l’opération sont présentées à Emmanuel Macron qui les valide et ordre est donné de lancer l’opération.
Découverte d'autres otages
Des hélicoptères sont mobilisés, ainsi que d’importants moyens médicaux et chirurgicaux, au cas où des otages ou des membres des forces spéciales soient blessés.
L’opération, conduite par la Task Force Sabre, le volet forces spéciales de l’engagement militaire français au Sahel, et appuyée par les forces burkinabè, est lancée dans la nuit du 8 au 9 mai dans le nord du Burkina Faso.
Les commandos avancent sur le campement des ravisseurs, "identifié par des moyens de surveillance", selon un responsable français cité par le Monde Afrique. "Quand les commandos approchent, qu’ils sont à une dizaine de mètre de la sentinelle, ils entendent les terroristes charger leurs armes. Ils montent alors à l’assaut sans ouvrir feu pour ne pas risquer de blesser les otages", a expliqué le général Lecointre. Deux des ravisseurs parviendront à s’enfuir sans être neutralisés par les forces françaises. Les autres jihadistes présents dans le campement sont tués.
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Les commandos français découvrent alors la présence, en plus des deux otages français, d’une citoyenne américaine et d’une ressortissante sud-coréenne, otages depuis 28 jours. "Personne n’avait connaissance de leur présence", a confirmé Florence Parly vendredi.
Deux militaires tués dans l’opération
Deux sous-officiers des prestigieux commandos marine, unités d'élite de la Marine française, Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, ont été tués au cours de l’opération.
Tous deux appartenaient au commando Hubert, l'une des sept unités de commandos de la Marine nationale, basée à Saint Mandrier dans le Var et étaient déployés depuis le 30 mars dans le Sahel, selon les biographies communiquées par le service de presse de la Marine.
Ils ont donné leur vie pour en libérer d'autres. Mardi, nous rendrons un hommage national aux Invalides à Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello. Dès à présent, portons nos pensées vers leurs familles et frères d'armes.
Florence Parly a salué vendredi leur courage. "Mes pensées vont à leur proches, à leurs frères d’armes et plus particulièrement au commando Hubert."
"Les armées en paient le prix de leur vie mais le message adressé aux terroristes est clair : ceux qui s’attaquent à la France savent que nous n’économiseront aucun effort pour les traquer et les neutraliser", a déclaré la ministre.
Les deux ex-otages français, Patrick Picque et Laurent Lassimouillas, doivent arrivés samedi à Paris. Emmanuel Macron a annoncé vendredi qu’il les accueillerait, ainsi que l’otage sud-coréenne, en personne.