"Nous sommes en retard dans le programme et je ne sais même pas où se dérouleront les épreuves de fin d'année ni comment on comptabilisera ma moyenne générale". Elève en classe de terminale, Mayar Mostafa se dit angoissée par les incertitudes.
Comme des dizaines de milliers d'autres Libyens, cette jeune fille a dû fuir avec sa famille leur maison en banlieue sud de Tripoli, au premier jour de l'offensive lancée le 4 avril par les troupes du maréchal Khalifa Haftar contre la capitale, siège du gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale.
Au départ, les combats ont été acharnés avant de devenir sporadiques dans plusieurs quartiers densément peuplés dans cette banlieue, où les forces loyales au GNA tentent de repousser l'adversaire.
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La plupart des déplacés ont trouvé refuge chez des proches dans la capitale et d'autres banlieues épargnées par les combats. D'autres ont été logés dans des centres d'accueil.
Mayar Mostafa se souvient de leur fuite de la maison familiale. "J'ai été brutalement réveillée par le bruit assourdissant des canons et des mitrailleuses. "On nous a chassé de chez nous au beau milieu d’une année (scolaire) décisive", regrette-t-elle, dépitée.
Cours de rattrapage
Selon le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), l'année scolaire a été suspendue dans les zones touchées par les combats "affectant directement l'éducation de quelque 122.088 enfants", dans un pays miné par des années de conflits en raison des luttes de pouvoir et des milices qui font la loi.
"D'autres écoles situées dans d'autres parties de Tripoli et dans l'ouest de la Libye ont été aussi fermées", a précisé l'Unicef.
Les cours dans plusieurs établissements sont perturbés par l'absence d'enseignants incapables de se rendre à leur travail en raison des violences. Des écoles ont en outre fermé pour servir de refuge aux déplacés.
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"La majorité des écoles à Tripoli restent ouvertes mais ce n’est pas le cas des 100 établissements de Ain Zara et Abou Slim, les zones les plus touchées par les opérations militaires", explique à l’AFP Rachad Bader, président du "comité de crise" au ministère de l'Enseignement au GNA.
Il "espère que les combats vont s’arrêter bientôt". "Sinon nous devrons envisager des alternatives pour les élèves déplacés pour qu’ils ne perdent pas leur année".
Son ministère a décidé de donner congé aux enseignants et élèves dans toutes les écoles situées dans les régions sous contrôle du GNA, durant le mois de jeûne musulman du ramadan qui a commencé le 6 mai.
En attendant et dans un souci de "solidarité", plusieurs écoles dans les quartiers épargnés par les combats, notamment dans le centre et l'est de Tripoli, ont proposé des cours de rattrapage aux enfants déplacés, donnés par des enseignants bénévoles.
"Solution"
Mayar Mostafa participe à un cours de mathématiques avec 25 autres lycéens privés comme d'elle d'école, dans le quartier de Soug al-Jomaa, dans l'est de la capitale. Elle se réjouit de "pouvoir rattraper le retard".
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"Cette initiative de la part des enseignants est généreuse sachant qu’ils ont sacrifié leur congé pendant le ramadan pour avancer dans le programme", dit-elle.
"Nous leur sommes reconnaissants pour leur soutien en ces temps difficiles", poursuit la lycéenne, tout en disant craindre "ne pas avoir une bonne moyenne" aux examens du baccalauréat.
Pour Gofrane Ben Ayad, professeure d’anglais, cette initiative est capitale. "Ce qui est remarquable c’est que la plupart de ces élèves sont brillants et ont montré leur capacité à apprendre malgré les effets psychologiques de leur déplacement forcé".
Déplacé également par les violences, Ahmad Bachir, en terminale, craint aussi l’échec, surtout que cette année scolaire est "décisive".
Son lycée à Ain Zara est fermé depuis six semaines. Il raconte avoir découvert ces cours de rattrapage à Soug al-Jomaa grâce à une annonce sur internet. "Je n'ai pas perdu le temps".
Ahmad Bachir a dit espérer que le ministère de l'Enseignement trouve une "solution" aux étudiants privés d'école pour qu'ils ne perdent pas leur année.
Mais il reste inquiet. "J'ignore à quoi ressemblera mon avenir après cette guerre".