Afrique du Sud. Xénophobie: des témoignages glaçants de Nigérians rapatriés

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Le 12/09/2019 à 14h24

Victor Indiobe a quitté le sud-est du Nigeria pour Johannesburg, il y a cinq ans, à l'âge de 22 ans. Il est rentré mercredi soir, avec le premier vol affrété pour rapatrier les Nigérians volontaires, après les violences xénophobes qui ont enflammé l'Afrique du Sud.

Il est catégorique : "Je ne remettrai plus jamais un pied là-bas." Ce n'est pas la première fois qu'il avait affaire "à ce genre de trucs", raconte-t-il à l'AFP à sa descente de l'avion, sur le tarmac de l'aéroport de Lagos. "Ca fait trois fois qu'on subit ça, la xénophobie, comme ils disent. Mais cette fois, c'était trop".

Le technicien vivait dans l'un des quartiers les plus déshérités et dangereux du centre-ville de Johannesburg, Hillbrow.

Il réparait des écrans plasma de télévisions dans sa petite boutique, jusqu'à ce jour du 2 septembre, où trois de ses amis ont été tués par balles.

"C'était juste devant mon magasin. J'ai couru dehors pour aller voir. Et là j'ai vu que c'était mes amis. J'ai pleuré. C'est normal, c'est humain", raconte-t-il la gorge nouée par le choc.

Cette dernière vague de violences xénophobes a fait officiellement 12 morts, mais Victor assure que le nombre de personnes tuées est beaucoup plus élevé, notamment à Hillbrow.

Difficile en effet de faire la différence entre les crimes xénophobes, les règlements de compte entre gangs qui pullulent à Hillbrow et la criminalité généralisée qui ronge l'Afrique du Sud, pays avec l'un des taux d'homicides les plus élevés au monde - 57 par jour dans un pays de 57 millions d'habitants.

"C'est un endroit où les gens peuvent te tirer dessus, où ils peuvent voler tout ce que tu as, et la police ne fera jamais rien pour t'aider".

Kayode R., lui, avait plutôt la belle vie à Pretoria, où il était installé depuis sept années. Il était parti en Afrique du Sud "pour l'aventure. Comme n'importe quel jeune qui a envie de découvrir le monde."

"J'avais un atelier de réparation de chaussures, c'était comme une cage avec des barreaux de protection. Des fois je réparais aussi des téléphones, parce qu'un voisin Indien m'avait appris à le faire".

"Je pouvais gagner environ 3.000 rands par mois (185 euros) et avec ça je payais mon loyer, mes courses, je sortais en boîte. J'avais des petites amies, elles étaient très belles. J'étais content."

Mais, la semaine dernière, des chauffeurs de minibus l'ont alerté. La vague xénophobe allait emporté son quartier. "+Ca va être très violent+, ils m'ont dit. Alors, j'ai pris tout ce que je pouvais, tout mon argent, et je suis allé direct à l'ambassade du Nigeria pour m'inscrire sur la liste des volontaires au rapatriement."

"Ca fait depuis vendredi dernier que j'attends à l'aéroport de Johannesburg." Arrivé à Lagos, il ne sait pas encore très bien ce qu'il va faire.

Sur leur tarmac de l'aéroport, face aux nombreuses caméras, des représentants du gouvernement nigérian leur ont promis un peu d'argent pour payer leur transport jusqu'à leur famille, un abonnement de téléphone pour deux mois et des programmes d'aide pour les aider à démarrer un nouveau business.

Mais dans un pays où plus 80 millions de personnes vivent sous le seuil de l'extrême pauvreté (1,90 dollar par jour) et où la situation sécuritaire est alarmante dans de nombreuses régions, la priorité est ailleurs.

Nicholas Olalekan, lui, laisse son destin "entre les mains de Dieu".

Il était barbier et avait un petit salon de coiffure à Pretoria. Il s'est retrouvé au milieu d'affrontements entre des dealers et des chauffeurs de minibus. "Ces gars, ils se détestent."

"Ils ont poignardé l'un de mes clients, un Sud-Africain. Et ils ont mis le feu à mon magasin. Ils m'ont aussi donné un coup de couteau au visage, sur le nez. J'aurais pu mourir, je me suis enfui."

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 12/09/2019 à 14h24