Cameroun: quand l'établissement d'un passeport relève du parcours du combattant

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Le 02/02/2020 à 12h09, mis à jour le 02/02/2020 à 13h03

Entre extorsion, arnaques et pénurie de talons, les Camerounais crient leur ras-le-bol. En face, les autorités en charge de la délivrance de ce document de voyage indexent les réseaux mafieux et rassurent quant à la disponibilité du passeport.

Depuis quelque temps, les plaintes se multiplient quant au délai de délivrance du passeport ordinaire au Cameroun, qui prend en moyenne trois mois. Et dans bien des cas, cette durée est largement dépassée. 

«Voilà huit mois que j’attends que mon passeport sorte. On me dit qu’il n’y a pas de talon. Un passeport dont j’ai payé tous les frais», se lamente un usager sur Facebook. «48h pour établir un passeport au Sénégal or, chez nous au Cameroun, il faut 6 mois, voire 1 an pour obtenir son passeport», déplore un autre internaute.

Une rumeur relayée sur les réseaux sociaux, faisant état de la hausse du prix du passeport qui passerait de 75.000 à 200.000 francs CFA, est venue en rajouter au mécontentement ambiant. «L’ami d’une connaissance a eu son passeport trois jours seulement après avoir payé pratiquement 200.000 francs, alors que mois j’attends depuis là qu’on me délivre mon passeport. Si ce n’est pas la mafia, c’est quoi ?», s’insurge un autre usager.

PASSEPORT: LES AFFAIRES DE PASSPORT AU CAMEROUN - 75.000 Fcfa: Passport Normal. Delivré 6 mois après dépôt de...

Posted by Joachim Arrey on Monday, January 20, 2020

Au Centre de production de cet important document de voyage à Yaoundé, l’on affirme que le prix du passeport fixé à 75.000 francs CFA (une somme à régler sous forme de timbres fiscaux) n’a pas changé. «Ce sont plutôt les usagers qui passent par des voies illégales qui paient plus de 75.000 francs pour obtenir un passeport», dit-on ici. En effet, dans le but de se voir établir rapidement un passeport, certains usagers passent par des «réseaux» où ils peuvent débourser deux à trois fois plus que ce montant. «Je devais voyager pour les Etats-Unis, mais mon passeport devait expirer dans deux mois. Or, pour les voyages à l’extérieur, on demande un passeport valide pour six mois minimum. Il fallait vite en faire un autre si je ne voulais pas rater mon rendez-vous à l’ambassade et manquer mon voyage», raconte un usager.

Audit

«J’ai déboursé près de 250.000 francs CFA pour me faire faire un passeport "express" en passant par des réseaux dont un proche m’avait parlé. J’ai fais mon passeport vendredi et lundi, je l’avais. Et ce n’est pas un faux», poursuit-il. D’autres sont moins chanceux.

Dans l’espoir d’en avoir un à tout prix le plus vite possible, des usagers se ruent sur le premier "intermédiaire" venu qui leur promet un passeport dans les plus brefs délais. Et bonjour l’arnaque car, une fois l’argent empoché, ce dernier disparaît dans la nature, emportant même parfois le dossier de l’usager. Un présumé arnaqueur avait ainsi été interpellé avec 14 passeports en sa possession. A la Délégation générale à la Sûreté nationale (police), l’on reconnaît bien qu’il y a eu pénurie de talons de passeport due notamment à un changement d’opérateur.

«Nous sommes en partenariat depuis plus de 40 ans avec une entreprise britannique qui nous livre régulièrement les carnets de passeport. Il se trouve qu’au milieu de l’année 2019, cette société a cédé la partie production de passeports à une autre entreprise. Cette entreprise se devait de faire un audit avant de pouvoir reprendre les actifs et le passif de l’ancienne structure. C’est donc ce qui a été à l’origine du petit flottement que les usagers ont sûrement pu observer», affirme le commissaire divisionnaire Jean Louis Messing, directeur de la Police des frontières.

Selon ce dernier, tout est rentré dans l’ordre depuis le 10 janvier dernier. «Nous avons ici les spécimens qui sont, à l’heure actuelle, en cours de fabrication. Donc, le problème est juste conjoncturel. Tout a déjà été mis en œuvre pour que les carnets de passeport puissent être délivrés aux usagers, dans les délais», assure-t-il.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 02/02/2020 à 12h09, mis à jour le 02/02/2020 à 13h03