C‘était comme si Accra était aussitôt revenue à la normale: ses rues et ses marchés bourdonnaient de vie après l’annonce par le président Nana Akufo-Addo, la veille au soir, de lever le confinement dans la capitale et dans la seconde ville du pays, Kumasi.
Le chef de l’Etat a assuré que grâce à une importante augmentation des capacités de dépistage, la traçabilité des personnes en contact avec les malades et l’ouverture de nouveaux centres de quarantaine, le pays était en mesure de retrouver un semblant de vie quotidienne.
Jemima Adwoa Anim était ravie d‘être de retour dans son commerce du centre d’Accra. Devant son échoppe, les piétons et les voitures ne désemplissent pas.
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“C’est un énorme soulagement. Notre gouvernement nous a entendus”, a-t-elle déclaré à l’AFP. “C‘était comme pendant une guerre: nous n’avions pas d’argent et en même temps, nous ne pouvions pas travailler pour gagner de quoi manger. Que Dieu bénisse notre président”.
Mais dans la périphérie de la capitale, cette décision a soulevé de nombreuses critiques. Le Ghana enregistrait lundi plus de 1.000 cas officiels de coronavirus, de quoi inquiéter sur sa future propagation.
“C’est totalement ridicule. Comment est-ce possible?”, interrogeait Francis Collison, un étudiant de 20 ans. “Nous venons d’enregistrer plus de 1.000 cas positifs de COVID-19 et c’est maintenant que le président décide de lever les mesures de confinement”.
La grande majorité des Ghanéens, bien qu’ils craignent cette décision, n’ont juste pas d’autre choix que de retourner travailler, dépendant bien souvent de l‘économie informelle pour survivre.
“Equilibre difficile”
La décision du Ghana de lever le confinement sera surveillée de près à travers l’Afrique.
En effet, sur tout le continent, les autorités sont aux prises avec un difficile équilibre: comment freiner la propagation du virus tout en permettant à des millions de personnes vivant dans la pauvreté de gagner de l’argent et se nourrir?
Le gouvernement ghanéen insiste sur le fait qu’il est en bonne position pour contrôler la pandémie, après avoir appliqué une mise en quarantaine stricte des arrivées de l‘étranger le mois dernier.
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Le pays a également réalisé de nombreux tests: plus de 68.000 pour une population de près de 30 millions d’habitants.
Malgré la levée du confinement, les frontières du pays et les écoles restent fermées, les rassemblements sont interdits et le président a conseillé le port du masque.
Des mesures largement insuffisantes selon le personnel médical. “Cette décision de lever le confinement a mis à plat tous les efforts que nous avons déployé jusqu‘à maintenant”, expliqueAbigail Sosu, une infirmière.
“J’ai peur. Nous n’avons pas les ressources si une deuxième vague du virus devait se propager dans le pays.”
“Pari politique”
Alors que l‘élection présidentielle est toujours prévue pour la fin de l’année, la gestion de la crise du coronavirus, qui pour l’instant avait échappé aux querelles politiques, est désormais un argument pour l’opposition.
Peu après l’intervention du chef de l’Etat, le communiqué de l’opposition ne s’est pas fait attendre.
“La décision du président Akufo-Addo de lever le confinement à ce moment crucial de l‘épidémie est un pari politique imprudent qui laisse présager un grand danger pour cette nation”, a déclaré le Congrès national démocrate, principal parti d’opposition, dirigé par l’ex-président John Mahama.
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Un pari que pour l’instant, la majorité la plus pauvre semble toutefois soutenir, en sortant dans les rues et en retrouvant une vie normale malgré les dangers de contamination.