Côte d'Ivoire: Ouattara, le "king de Kong"

L'une des deux mosquées historiques de Kong.

L'une des deux mosquées historiques de Kong. . DR

Le 18/02/2019 à 11h27, mis à jour le 19/02/2019 à 17h08

Kong. Visitez la mosquée" peut-on lire à l'entrée de cette petite ville du Nord de la Côte d'Ivoire, sur un vieux panneau illustré avec l'une des deux mosquées historiques de style soudanais.

En visitant Kong, vous pourrez aussi voir son lycée flambant neuf, sa quatre-voies bitumée et ses innombrables chantiers: hôpital général, logements sociaux, transformateur électrique, marché, pont...

Nul besoin d'être détective pour comprendre que la cité bénéficie de largesses de l'Etat. On est ici chez le clan du président ivoirien Alassane Ouattara.

A l'instar de nombreux homologues africains, le chef de l'Etat n'a pas oublié ses origines.

Bourgade enclavée de 7.000 habitants (recensement de 1998), Kong a été promue préfecture en... 2012, quelques mois après l'accession au pouvoir de Ouattara en 2011. Ce statut s'est accompagné de l'installation de sièges de services de l'Etat et donc de l'arrivée de fonctionnaires.

Le dernier recensement en 2014 dénombrait 29.000 habitants. Depuis la ville a encore grossi, selon un employé municipal.

- Brulée puis abandonnée -

Kong, qu'on ne pouvait rejoindre que par des pistes, va bientôt être reliée par trois routes bitumées au Nord, au Sud et à l'Ouest.

"Est-ce que Kong est prioritaire par rapport à des villes plus denses en manque d'infrastructures?", s'interroge le député d'opposition Patrice Kouassi. "Je n'ai rien contre apporter le développement au Nord, mais c'est une question de priorité! Nous avons des villes équivalentes ou de 50.000 habitants qui n'ont pas les infrastructures de Kong".

Kong espère retrouver sa grandeur passée: elle est l'ancienne capitale d'un empire florissant fondé au XVIIIe par Sekou Ouattara, un commerçant guerrier, ancêtre d'Alassane.

"Débouché naturel des richesses du Sahara et de celles de l'inter-fleuve Bandama-Comoé", selon Georges Niamkey Kodjo, auteur du "Royaume de Kong", l'empire, qui entretenait des relations importantes avec Tombouctou et Djenné, s'étendait sur des centaines de km2, du nord de la Côte d'Ivoire au sud du Mali et à l'Ouest du Burkina. Signe de cette puissance: les deux mosquées, mais aussi une université islamique dont un pan de mur est encore visible.

La fin du XIXe va être funeste. La ville refuse de s'allier avec le célèbre prédicateur guerrier Samory Touré qui va la conquérir, massacrer ses habitants et brûler la grande mosquée, reconstruite depuis à l'identique.

- Prophétie -

Privée du chemin de fer à l'époque coloniale, Kong sombre dans l'oubli et subit l'abandon total des pouvoirs publics sous la présidence de Laurent Gbagbo (2000-2010), l'adversaire de Ouattara.

"Il y avait une prophétie qui disait qu'un autre Ouattara viendrait et redonnerait sa gloire à Kong. C'est en train de se réaliser avec Alassane", assure Fakari Ouattara, chef de village, un descendant de Sekou Ouattara et un cousin d'Alassane. Il ne cache pas son désir de voir Ouattara faire un troisième mandat "si c'est son choix". Une hypothèse très controversée dans le pays.

La photo d'un autre Ouattara trône au-dessus de la réception de l'unique hôtel de bon niveau de la ville. C'est Birahima Téné Ouattara, un des frères du président. Surnommé "Photocopie" en raison de sa ressemblance avec le chef de l'Etat, il est un de ses hommes de confiance. Ministre des Affaires présidentielles, il a la main sur les Renseignements et l'appareil sécuritaire. Également président du Conseil régional, il veille aux intérêts de Kong.

Si l'unique distributeur automatique de billets ne marche pas toujours, les entrepreneurs privés ont commencé à investir, attirés par les bonnes affaires.

La ville pourrait redevenir un carrefour commercial mais également un centre touristique grâce aux mosquées mais aussi à sa proximité avec le Parc national de la Comoé, patrimoine mondial de l'humanité. Un plan de relance du Parc, très enclavé est en cours. Quelques vestiges coloniaux pourraient aussi être valorisés.

"Les gens pensent que parce que c'est la ville de Ouattara, il suffit de se baisser pour ramasser de l'argent. C'est faux. On a fait un pari et pour le moment, ce n'est pas encore tout à fait ça", confie Lassina Diomandé, le patron de la Détente, l'unique "maquis" (bar) de standing.

Certains se plaignent aussi de la hausse des prix (loyers et nourriture notamment) générée par les salaires des fonctionnaires.

"C'est peut être vrai, admet Fakari Ouattara, Mais le regain d'activité va bénéficier à tout le monde". D'ailleurs, aux municipales, le maire a été élu avec 100% des suffrages dans Kong intramuros.

Paradoxe, le principal bienfaiteur de la ville, Alassane Ouattara, n'y met presque jamais les pieds. De mémoire des habitants, cela fait plus de deux ans que le président n'est pas venu. Peu importe, le king de Kong, c'est bien lui.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 18/02/2019 à 11h27, mis à jour le 19/02/2019 à 17h08