"Je ne crois pas au hasard", annonce Alpha Blondy qui manie les symboles. Pour l'interview, le chanteur s'est vêtu d'un petit boubou tout blanc de pèlerin mais porte sur la tête une casquette "Haïlé Sélassié", le dernier empereur d'Éthiopie que les Rastafariens considéraient comme leur chef.
Oecuménique au sens large, citant le Coran, la Bible, mais aussi le scientifique britannique Stephen Hawking, Alpha réaffirme constamment sa foi en Dieu, mais aussi en l'humanité.
"Je refuse qu'on parle que du mauvais côté des humains. Je ne veux pas me laisser distraire par des salauds et les cons. Il y a la fête, les concerts, les anniversaires, les boites de nuits, les baptêmes dans les églises, les mariages dans les mosquées... La vie continue, elle est belle. On ne va pas mettre un rideau noir sur tout ça".
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Cet optimisme n'empêche pas "la critique constructive", assure l'auteur de Brigadier Sabari, qui continue de s'intéresser de près à la politique.
Il se félicite de l'amnistie pour les acteurs de la crise ivoirienne (3.000 morts en 2010-2011), prononcée par le président Alassane Ouattara en août.
"Palabres à cause du poisson pourri"
"On attire plus de mouches avec le miel qu'avec le fiel", souligne-t-il avec son sens de la formule. "L'amnistie générale, ça a baissé la tension".
Et il balaie les critiques de certaines ONG qui estiment que justice n'a pas été faite, en citant le poète allemand Goethe, repris par l'ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny: "Je préfère l'injustice au désordre".
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Le chanteur se dit serein, alors que beaucoup d'observateurs craignent des troubles lors de la prochaine présidentielle, en 2020. "Voila ce que j'appelle le +Political brouhaha+ (une des chansons de l'album) Je n'ai pas peur parce que j'ai confiance en l'homme ivoirien. Les Ivoiriens ont l'intelligence et la foi pour ne pas récidiver dans la bêtise".
"Les Ivoiriens, c'est comme le village gaulois d'Asterix. Il y a des palabres à cause du poisson pourri. Après, on fait la fête. Quelqu'un a dit: +Celui qui dit qu'il a compris le problème ivoirien, c'est qu'on lui a mal expliqué!+", s'exclame-t-il.
Alpha Blondy défend même les politiciens: "Les politiciens ont failli à un moment. L'erreur est humaine. C'est persévérer qui est diabolique, je ne pense pas qu'ils le soient! Il ne faut pas leur faire des procès d'intention. Les politiciens, c'est un mal nécessaire. A nous de savoir les critiquer!".
L'auteur de Crime spirituel garde son regard acerbe, notamment sur la situation internationale et les attaques jihadistes, en Côte d'Ivoire et dans les pays de la région.
Terrorismes d'Etat et "islamisant"
"Ce n'est pas une guerre religieuse. C'est une guerre de vengeance. Les politiciens qui ont décidé de bombarder la Libye, la Syrie, l'Irak, sont bien au frais chez eux. Ce sont les peuples innocents, français américains, nigérian, burkinabè... qui paient la facture de politiciens irresponsables qui ont posé des actes hautement criminels", lance le chanteur de Bloodshed in Africa.
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"Les familles qu'ils ont endeuillées, leurs enfants ont un repli identitaire. Il sont venus se venger. Le Coran ne dit pas ça, mais vous conviendrez que dans la démocratie, on ne dit pas qu'on va piller des peuples au nom du pétrole. Mais ils l'ont fait au nom de la démocratie", juge-t-il. "Nous avons affaire à un terrorisme d'Etat qui a engendré le terrorisme dit +islamisant+".
Oecuménique dans la foi, Alpha Blondy, qui avait déjà repris "Wish you were here" de Pink Floyd, l'est aussi dans la musique. La chanson phare de son dernier album n'est autre que "Whole lotta love" de Led Zeppelin, en reggae.
Le nouvel opus présente aussi une reprise de "Je suis venu te dire que je m'en vais" de Serge Gainsbourg --qui avait jadis fait scandale en chantant la Marseillaise en reggae--, souligne Alpha Blondy qui dit aussi adorer le zouglou et Magic System...
Sans oublier le reggae! "Le reggae n'a pas pris une ride parce que le reggae n'est pas une musique de mode. Le reggae chante l'injustice, dénonce les travers des politiques, la misère des peuples, la souffrance de l'ouvrier mis au chômage, la faim... Ce ne sont pas des modes".