Côte d'Ivoire: la Justice des vainqueurs est sale pour les refondateurs du FPI

Laurent Gbagbo, ex-président de la Côte d'Ivoire.

Laurent Gbagbo, ex-président de la Côte d'Ivoire.. DR

Le 19/01/2018 à 18h10

Cascade de condamnations à des peines infamantes, justice des vainqueurs et sale temps pour les refondateurs du Front populaire ivoirien (FPI) de l'ancien président Laurent Gbagbo.

Un tribunal d’Abidjan a condamné à 20 ans de prison l’ancien président Laurent Gbagbo, son dernier premier Ministre et 2 ministres, à travers un verdict prononcé jeudi.

Laurent Gbagbo, le Pr Gilbert Aké N’Gbo, Désiré Dallo (ex ministre de l’économie et des finances) et Koné Katinan (ancien ministre du budget) ont été reconnus coupables «du braquage» de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) pendant la grave crise politique et sécuritaire qui a suivi l’élection présidentielle de novembre/décembre 2010 dans le pays.

L’accusation reprochait à ces anciens hauts responsables des faits de caractère infamant et dégradant «vol en réunion par effraction portant sur des caves à la BCEAO et des numéraires, complicité de vol en réunion par effraction, destruction d’une installation appartenant à autrui, détournement de deniers publics», en vue d’obtenir des liquidités en pleine crise électorale.

Cet épisode renvoie à une décision de la BCEAO (dont le siège se trouve à Dakar) bloquant les avoirs de la Côte d’Ivoire sous le régime de Laurent Gbagbo, qui contrôlait alors la partie «utile» de la Côte d’Ivoire dans laquelle se trouve Abidjan, en pleine tourmente née de l’élection présidentielle de la fin de l’année 2010.

De manière concomitante à cette décision, une autre juridiction de la capitale économique ivoirienne condamne à 15 ans de réclusion, Moise Lida Kouassi, ex ministre de la défense sous le régime Gbagbo, pour une tentative de putsch perpétrée en décembre 2012.

Quelques jours auparavant, c’est le commandant Jean Noel Abehi, ex commandant de l’Escadron Blindé de la gendarmerie d’Agban (un camp d’Adjamé-un quartier populaire d’Abidjan), qui a écopé de 10 ans de prison pour la même tentative de coup d’état…..

Il y a quelques mois, l’ancienne première dame, Mme Simon Gbagbo, le général Dogbo Ble Bruno (ex commandant de la Garde Républicaine), le commandant Anselme Seka Yapo, dit Seka Seka, ex aide de camp de Mme Gbagbo, avaient tous subi le même sort dans une espèce de scenario préparé loin des débats du prétoire et des interrogatoires menés par les juges.

Résultat des courses, une pluie de décisions privatives de liberté s’abat sur les refondateurs du Front populaire ivoirien (FPI), qui vivent ainsi un sale temps.

Loin de nous l’idée de penser que ces individus condamnés sont des enfants de cœur. Au cas où ils auraient été reconnus coupables de graves crimes, justice devrait se faire.

Cependant, au bord de la charmante lagune des pêcheurs Ebriés, dame justice envoie des signaux de plus en plus inquiétants et semble prendre une forme bancale.

Une justice à 2 vitesses, qui poursuit les crimes, parfois incontestables du camp Gbagbo, et ferme les yeux sur un crime collectif commis sur 60 gendarmes originaires du Sud, froidement massacrés à Bouaké au déclenchement de la rébellion.

Mais aussi des crimes commis dans le grand Ouest ivoirien, dans la foulée de l’avancée des forces favorables au pouvoir actuel, ….

Cette «justice des vainqueurs» renvoie une image hideuse d’un pays, considéré comme une référence dans plusieurs domaines en Afrique de l’Ouest.

Alors que pour une véritable réconciliation nationale, tous ces problèmes méritent un traitement judiciaire équitable, qui pourrait en cas de nécessité, déboucher sur une loi générale d’amnistie, adoptée comme mesure d’apaisement politique, et seule garantie de stabilité démocratique.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 19/01/2018 à 18h10