Diplomatie algérienne: de la poudre aux yeux des Africains, se demande la presse burkinabè

Noureddine Bédoui, ministre de l'Intérieur algérien.

Noureddine Bédoui, ministre de l'Intérieur algérien. . DR

Le 20/04/2018 à 10h51, mis à jour le 20/04/2018 à 15h14

Revue de presse"Le Pays", quotidien burkinabè dont la pertinence d'analyse sur les questions du continent a fait la réputation, émet de sérieux doutes sur les raisons "officielles" de la visite du ministre algérien de l'Intérieur à Conakry en début de semaine.

Connu pour ses analyses pertinentes sur les questions du continent, le quotidien burkinabè Le Pays doute de la sincérité d'Alger dans son soudain sursaut diplomatique, notamment avec la visite à Conakry pendant trois jours de Noureddine Bédoui, ministre de l'Intérieur algérien. "Alger veut-elle soigner son image?", s’interroge le journal qui n'y va pas avec le dos de la cuillère. 

Le ministre algérien de l’Intérieur, Noureddine Bédoui, a été, 72 heures durant, l’hôte de son homologue guinéen, Abdoul Kabèlé Camara. Au menu de leurs échanges, le dossier migratoire qui fait des gorges chaudes entre Alger et de nombreuses capitales subsahariennes, rapporte le journal burkinabè.

Le Pays, rappelant que "l’on se souvient encore du récent coup de gueule du ministre nigérien de l’Intérieur, Mohammed Bazoum, qui n’avait pas caché son agacement face aux rapatriements systématiques orchestrés par les autorités algériennes, de migrants illégaux pris sur leur territoire, en direction des frontières nigériennes".

Nonobstant les conditions inhumaines des expulsions de migrants, dont on accuse le pays de Bouteflika, les témoignages faisant état de comportements racistes, dont ils sont victimes, sont de plus en plus accablants contre Alger, souligne le quotidien, estimant que le moins que l’on puisse dire, même si elles s’en défendent, est que les autorités algériennes peuvent difficilement, en la matière, montrer patte blanche.

La traite négrière transsaharienne et les guerres liées à l’expansion de l’Islam en Afrique noire ont construit le substrat du racisme algérien, relève la publication, soulignant que, quelles que soient les raisons qui expliquent les comportements "négrophobes" des Algériens, ceux-ci ne pourraient s’accommoder de notre monde d’aujourd’hui, qui a érigé en principes universels, l’égalité des peuples et les droits de l’Homme.

Ces comportements aujourd’hui mis à l’index, écornent sérieusement l’image du pays qui a déjà du mal à passer en Afrique subsaharienne où les populations qui vivent dans la psychose des actes terroristes, lui en veulent d’offrir gîte et couvert à des criminels comme Iyad Ag Ghali, selon le journal.

D’autre part, indique le quotidien, le rêve hégémonique de l’Algérie en Afrique de l’Ouest est aujourd’hui sérieusement menacé par les tentatives de retour du Royaume chérifien.

L’on peut d’ailleurs penser que le choix de la Guinée n’est pas fortuit, le pays ayant été l’un des rares, avec le Niger, à s’opposer ouvertement à la réintégration du Maroc à l’Union africaine (UA) et à sa candidature comme membre de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), rappelle-t-il.

Ainsi, la visite officielle du ministre algérien de l’Intérieur peut, de ce point de vue, être interprétée comme une initiative destinée à contrecarrer les avancées du Royaume chérifien dans l’Ouest africain, en établissant des pare-feu dans des pays qui lui sont hostiles, estime le journal.

Ensuite, la visite du ministre algérien peut être considérée comme une opération de charme en direction des pays de l’ouest du continent, destinée à assouvir sa soif de leadership, signale la publication.

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 20/04/2018 à 10h51, mis à jour le 20/04/2018 à 15h14