La France a rappelé son ambassadeur en Côte d’Ivoire, Gilles Huberson, visé par une enquête interne du ministère des Affaires étrangères. L’information a été diffusée par Mediapart qui souligne que l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, le poste le plus en vue en Afrique subsaharienne pour l’Hexagone, est accusé de violences sexistes et sexuelles par au moins cinq femmes.
Le média français explique que le diplomate en poste depuis septembre 2017 n’a pas été rappelé pour des raisons «politiques», mais pour des «propos et gestes sexistes».
«Les récits recueillis concernent des faits dans plusieurs pays, dont le Mali, où M. Huberson a été ambassadeur de 2013 à 2016, et la Côte d’Ivoire, où il a été nommé en 2017, et qui vont de remarques jugées dégradantes pour les femmes à des gestes à connotation sexuelle non désirés», explique t-il.
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Ainsi, en 2013, «au Mali, à la résidence de France, une experte internationale a raconté que Gilles Huberson a posé sa main sur sa cuisse lors d’une entrevue professionnelle. Selon un document interne à la procédure, consulté par Mediapart, cette dernière ne se serait pas laissé faire, lui aurait ”tapé sur la main”, puis l’aurait traité de ”gros dégueulasse” avant de mettre fin à l’entretien», selon Mediapart.
Une autre diplomate affectée au Mali a été avertie par un gendarme qui avait travaillé avec l’ambassadeur et lui recommandait de faire attention en ces termes: «Fais gaffe, c’est un chaud lapin!», a-t-elle témoigné dans un écrit adressé au Quai d’Orsay. Elle y explique également que lors d’une soirée «un membre de la communauté française a parlé de moi en lui disant: ”la nouvelle a l’air bien”. Il lui a répondu: ”Pas assez mince pour moi”».
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Malgré la gravité des accusations, de nombreuses collègues de l’ambassadeur n’ont pas souhaité témoigner, selon Mediapart, craignant pour leur carrière. «Les femmes que Mediapart a contactées ont toutes refusé de répondre à nos questions, tant elles redoutent d’éventuelles représailles de leur hiérarchie».
Il faut souligner que pour combattre ces actes, une cellule d’écoute pour le personnel du Quai d’Orsay victime de violence sexiste et sexuelle a été mise en place, en 2018, par Jean-Yves Le Drian. Et c’est par le biais de cette cellule, baptisée «Tolérance Zéro», qu’une diplomate a saisi, en 2019, le déontologue du ministère des Affaires étrangères qui a recueilli les témoignages de femmes victimes de l’ambassadeur de France à Abidjan.
Et vu la gravité des accusations, une inspection générale a été mise en place. Celle-ci a eu lieu en juillet dernier et a recueilli de nouveaux témoignages, y compris d'hommes.
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Gilles Huberson est un des pontes du ministère des Affaires étrangères, en première ligne dans des pays et sur des dossiers majeurs pour la France en Afrique.
L’ancien élève de l’école militaire de Saint-Cyr a été responsable du Centre de crise du Quai d’Orsay de 2005 à 2007, et chef de la Mission interministérielle «Mali-Sahel» en 2013, lors de l’intervention militaire française dans ce pays, avant d’être nommé ambassadeur au Mali de 2013 à 2016. Puis, après une courte présence à Maurice, il atterrit à Abidjan, l’ambassade la plus prestigieuse d’Afrique pour un diplomate français.
Du coup, beaucoup redoutaient que Huberson puisse bénéficier d’une certaine protection de sa hiérarchie. Raison qui expliquerait que de nombreuses victimes aient préféré ne pas témoigner. Ce, d’autant qu’un diplomate contacté par le média français a souligné que les agissements du diplomate «étaient connus de beaucoup de monde».
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Du coup, s’il a bénéficié de protections, cela risque d’éclabousser d’autres diplomates du Quai d’Orsay.
Si le Quai d’Orsay n’a pas souhaité dans un premier temps s’exprimer sur ce dossier, c’est que l'affaire intervient dans un contexte particulier en Côte d’Ivoire, à savoir à quelques semaines d’une présidentielle à haut risque et dont la campagne préélectorale est marquée par des violences.