Ce qui était considéré comme le grand bluff aura duré tout de même plusieurs décennies. La pharmacie à ciel ouverte d’Adjame Roxy, en plein cœur de la capitale économique ivoirienne, avait de tout temps été la cible de toutes sortes de menaces sans jamais qu'aucune autorité n’ait osé passer à l’action. C’est désormais chose faite depuis ce mercredi.
Dès l’aube, aux alentours de 4 heures du matin, un important détachement de 400 policiers a été déployé sur le célèbre site de Roxy, le centre névralgique du commerce de faux médicaments en Côte d’Ivoire. L’opération surprise montée en 24 heures, selon des sources policières, a permis d’obtenir l’effet escompté.
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Ce sont 30 tonnes de produits pharmaceutiques et chimiques que les agents des forces de l’ordre ont pu embarquer, après une demi-journée de perquisition.
«Des produits pharmaceutiques étaient empilés dans des magasins et des box, en pleine chaleur. Nos parents et concitoyens achetaient des produits dangereux, du poison en réalité», confie une source policière.
Pour le Comité de lutte contre le trafic illicite et la contrefaçon des médicaments (COTRAMED), dépendant du ministère ivoirien de la Santé, cette saisie, qui s’est faite sans arrestations, est un avertissement aux milliers de femmes qui en ont fait une activité lucrative.
Les études évoquent en effet le chiffre de 8.000 personnes, essentiellement des femmes, qui vivent de ce trafic au marché Roxy, un lieu qui ne désemplissait pas malgré les campagnes de sensibilisation. Roxy servait en outre de marché de gros pour alimenter tout le pays en faux médicaments.
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«Laisser ce marché prospérer affecte non seulement la santé des patients, mais il ne faut pas exclure le risque de voir ces produits emprunter des circuits frauduleux pour se retrouver dans nos officines. On espère qu’ils iront plus loin pour démanteler tous les réseaux», confie Yao Madou, gestionnaire de pharmacie au Plateau, le centre des affaires. «Insuffisance rénale, diabète, cancer sont devenus des maladies courantes et il ne faut pas s’en étonner», poursuit-il.
Le gouvernement a certes touché les trafiquants au portefeuille avec cette saisie record, mais la guerre est loin d’être gagnée, car la filière représente 30% du secteur du médicament et brasse suffisamment d'argent, soit des centaines de milliards, pour être à peine ébranlée.
Cependant, avec la mise en place de la Couverture maladie universelle (CMU) qui est entrée dans sa phase expérimentale fin avril, il y a de réelles chances de venir à bout du phénomène. Le projet, dont mise en oeuvre est prévue pour 2018, devrait couvrir entre 70 et 80% des frais médicaux des Ivoiriens. Ce qui laissera malgré tout une marge pour ce trafic si les autorités devaient se limiter aux opérations de saisie.