Économie: voici les 10 pays qui seront les plus puissants d’Afrique à l’horizon 2030, selon le FMI

le360

Le 27/04/2025 à 11h40

Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont organisé du 21 au 26 avril 2025 leurs Réunions de printemps. Occasion pour ces deux institutions d’annoncer leurs projections sur l’évolution de l’économie mondiale. Pour les 10 grandes économies africaines, si les croissances vont diverger, il n’y aura pas de grands chamboulements au classement. Toutefois, plusieurs facteurs pourraient peser sur les évolutions des Produits intérieurs bruts (PIB) des Etats durant la période 2025-2030.

Les Réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale sont toujours très attendues du fait qu’elles donnent une idée sur le pouls de l’économie mondiale à travers les publications portant sur les perspectives de croissance des différentes grandes régions et pays du monde.

Ces prévisions sont particulièrement attendues cette année, vu le contexte politico-économique mondial marqué par l’aggravation des incertitudes. En plus de la crise Russie-Ukraine qui est entrée dans sa quatrième année, avec son lot d’impacts négatifs sur les chaînes d’approvisionnement et sur de nombreuses économies, l’incertitude s’est accrue avec les risques d’un retour du protectionnisme prôné par l’actuel président américain, et illustré par les droits de douane tous azimuts qu’il a annoncés. Une situation qui pourrait perturber le commerce international et impacter négativement la croissance des économies du monde, et particulièrement celles des pays africains. En plus, les arrêts des aides publiques (Usaid) et des financements américains (Millenium challenge account), et l’instauration des droits de douane, même si ceux-ci sont suspendus pour 3 mois, mettant fin à l’Agoa qui offre un libre accès à de nombreux produits africains au marché américain… risquent d’aggraver les déséquilibres macroéconomiques de plusieurs pays africains. Cela touchera aussi bien les petites économies que les plus puissantes du continent.

Dans ce contexte, comment vont évoluer les PIB des grandes économies africaines? Et quels seront les 10 pays les plus riches du continent en 2030, selon les dernières projections du FMI?

Rappelons que ce classement est basé sur le PIB, c’est-à-dire la richesse créée dans chaque pays sur une période d’un an, selon les données du FMI. Le calcul et les projections des PIB sont exprimés à prix courants (en valeur nominale), c’est-à-dire que la valeur marchande de tous les biens et services est mesurée en utilisant leur prix courant du marché (pour chaque pays), et la valeur totale obtenue est exprimée par la suite en dollars américains, par souci de comparaison. Cet indicateur, le plus usité, est loin d’être parfait, sachant que le PIB au prix courant est parfois trompeur du fait qu’il peut être gonflé par l’inflation. Ensuite, du fait que toutes les valeurs soient libellées en dollar américain, cela implique que les comparaisons des PIB des pays peuvent être fortement biaisées par des fluctuations du taux de change des différentes monnaies.

Reste que le PIB à prix courant libellé en dollar demeure le principal indicateur utilisé par les institutions financières et de développement pour calculer et comparer les créations de richesses par les pays.

Selon ce mode de calcul, le PIB des 54 pays africains devrait passer de 2.891 milliards de dollars en 2023 (à 3.945 milliards de dollars en 2030, soit une progression de 36,46%. Malgré cette forte progression, l’Afrique demeure un nain économique. Avec 17% de la population mondiale et d’importantes richesses naturelles (pétrole, gaz, minerais, terres arables, potentialités énergétiques renouvelables…), le PIB du continent ne pèserait qu’autour de 2,70% de la richesse mondiale sur la période 2023-2024.

De même, les croissances enregistrées par les grandes économies africaines seront divergentes, sous l’effet de nombreux facteurs. Outre les effets liés à la dynamique des différentes économies, les évolutions seront marquées par les comportements des monnaies, les impacts de la conjoncture mondiale incertaine, les capacités d’adaptation des pays, les politiques économiques, les découvertes de nouvelles ressources, les modes de gouvernance...

Par ailleurs, selon les projections du FMI, la richesse créée au niveau du continent est fortement concentrée sur une poignée de pays. Ainsi, les 10 économies les plus puissantes d’Afrique affichent un PIB cumulé de de 2.069 milliards de dollars en 2023 (soit 71,56% du PIB du continent) et devraient atteindre une richesse cumulée de 2.697 milliards de dollars en 2030 (soit 68,36% de la richesse du continent).

Selon les données de l’institution, ces 10 pays vont voir leurs richesses créées croitre sur la période 2023-2030, à l’exception du Nigeria dont le PIB devrait chuter de 364 milliards de dollars en 2023 à seulement 297 milliards en 2030.

Les 10 pays les plus riches d’Afrique sont, globalement, les plus peuplés du contient (Nigeria, Ethiopie et Egypte), riches en ressources naturelles (Afrique du Sud, Maroc), disposant d’importantes ressources d’hydrocarbures (Algérie, Nigeria et Angola), riches en ressources agricoles (Côte d’ivoire, Ethiopie, Kenya, Tanzanie, Maroc, Afrique du Sud) et ayant des économies diversifiées (Afrique du Sud, Maroc, Egypte, Nigeria).

Dans ce contexte, l’Egypte, première puissance économique africaine en 2023 avec un PIB de 394 milliards de dollars, avant de la perdre en 2024 au profit de l’Afrique du Sud, va retrouver le sommet du continent à partir de 2028 et s’y maintenir jusqu’à la fin de la période étudiée (2030) où sa richesse créée devrait atteindre 587 milliards de dollars, représentant environ 15% du PIB du continent africain. Le pays des pharaons, l’une des économies les plus diversifiées et forte de son dividende démographique avec environ 115 millions d’habitants actuellement, devrait continuer de tirer davantage des bénéfices des réformes économiques douloureuses entreprises au cours de ces dernières années, de son positionnement géostratégique, de son tourisme dont ils ambitionne de porter les arrivées de visiteurs à 30 millions à l’horizon 2028, de son agriculture qui devrait bénéficier de l’ambitieux de rivières artificielles dans le désert, de son industrie relativement diversifiée, des recettes importantes que lui apporte sa forte diaspora de plus de 10 millions d’âmes, de ses ressources gazières…

Autant de facteurs qui font que le PIB égyptien devrait évoluer de 49% (+193 milliards de dollars) passant de 394 à 587 milliards de dollars sur la période 2023-2030.

Toutefois, la forte dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur (aides, dons, importations) rendent ces perspectives fragiles face aux chocs exogènes.

Derrière le pays des pharaons, l’Afrique du Sud, seconde puissance économique du continent en 2023, avant de ravir la première place à l’Egypte en 2024 et de s’y maintenir jusqu’en 2027, demeure le pays le plus industrialisé du continent et le plus diversifié économiquement (industrie manufacturière, exploitation minière, agriculture, tourisme…). L’Afrique du Sud devrait voir son PIB évoluer de 28,61% (+110 milliards de dollars) pour passer de 381 à 490 milliards de dollars sur la période 2023-2030.

Mais si la relative stabilité de la monnaie sud-africaine est un atout, la gouvernance (corruption notamment), l’insécurité, les délestages et les effets conjoncturels liés aux tensions politiques et économiques avec les Etats-Unis de Donald Trump risquent de perturber la croissance du pays durant les prochaines années. L’Afrique du Sud est le pays le plus impacté en Afrique par les taxes douanières de Trump du fait qu’elle était de loin le principal bénéficiaire de l’Agoa, un accord qui permettait un libre accès de milliers de produits africains au marché américain.

Derrière ces deux pays devrait suivre le Nigeria. La première puissance démographique du continent avec plus de 220 millions d’habitants. Ce pays a perdu en 2024 sa 3e place de puissance économique du continent en voyant son PIB tomber à seulement 188 milliards de dollars, contre 364 milliards de dollars un an plus tôt, au profit de l’Algérie (265 milliards de dollars de PIB). Une situation qui a résulté principalement de la forte dépréciation de la monnaie nigériane vis-à-vis du dollar.

Malgré la reprise de la croissance de l’économie nigériane (3,1% en 2024, et des projections de 3,6% en 2025 et 3,8% en 2026 et 2027), selon la Banque mondiale, la monnaie locale, le naira, n’a cessé de céder face au billet vert suite à la décision des autorités nigérianes de mettre fin à sa parité fixe vis-à-vis du dollar. Ainsi, alors qu’il fallait seulement 460 nairas pour 1 dollar en début juin 2023, il faut actuellement (le 25 avril 2025) 1.609 nairas pour le même dollar. Du coup, exprimé en dollar américain, la richesse créée par l’économie nigériane, toutes choses égales par ailleurs, ne pouvait que chuter lourdement, en dépit des taux de croissance annuels positifs.

A noter tout de même que depuis le début de l’année en cours, le naira affiche une certaine résilience face au dollar avec une dépréciation de -3,7% en 4 mois. Nonobstant cette résilience, la forte dépréciation du naira va continuer à impacter négativement la richesse créée par l’économie nigériane une fois celle-ci exprimée en dollar américain. Une situation qui explique que le PIB au prix courant exprimé en dollar de l’économie nigériane ne commencera réellement à afficher des croissances solides que sur la période 2028-2030. Après avoir cédé son 3e rang d’économie la plus forte du continent, le Nigeria retrouvera sa place en 2030 en surclassant légèrement l’Algérie avec un PIB de 297 milliards de dollars.

Le Nigeria pourra compter sur la reprise de sa production de pétrole qui est passée à 1,55 million de barils par jour en 2024, un niveau pas atteint depuis de nombreuses années, et d’importants investissements stratégiques, dont la raffinerie de pétrole de Dangote, les infrastructures (autoroutes, chemin de fer, etc.) et surtout sur un meilleur comportement de sa monnaie à l’origine de la perte de sa place de première puissance économique du continent.

A noter que l’impact de l’effet de change sur l’évolution du PIB a été aussi observé sur l’économie éthiopienne suite à la dévaluation du birr en 2024. Suite à cela, le PIB du pays a chuté de 160 milliards de dollars en 2023 à 143 milliards en 2024 et devrait encore baisser à 117 milliards de dollars en 2025, selon les projections du FMI. Ce qui aboutira au déclassement du pays au 7e rang des puissances africaines à cette date avant de remonter par la suite pour atteindre 233 milliards de dollars en 2030.

Pour l’Algérie, l’effet du «rebasage» du calcul du PIB entrepris par les autorités algériennes pour tenir compte du secteur informel dans le calcul de la richesse créée, qui a fait bondir le PIB du pays en 2024 à 265 milliards de dollars, le propulsant à la 3e place des puissances économiques africaines. Sur la période 2023-2030, la richesse créée devrait croître de 17,34% (43 milliards de dollars), grâce à l’effet du rebasage en 2024 et la stabilité artificielle du dinar vis-à-vis du dollar. Avec un taux de change officiel déconnecté de la réalité économique, comme en atteste le différentiel entre le marché officiel et le marché parallèle (132 dinar pour 1 dollar au niveau du marché officiel contre 240 dinars pour le même dollar au niveau du marché parallèle), le niveau du PIB est artificiellement surévalué.

L’économie algérienne, très fortement dépendante des hydrocarbures qui lui assurent 95% des recettes d’exportation, a du mal à se diversifier. La baisse du cours du pétrole devrait impacter négativement l’économie algérienne durant les années 2025-2027, dont l’évolution du PIB est fortement corrélée au cours des hydrocarbures. Du coup, le PIB devrait croitre très faiblement durant la période 2024-2026 passant de 265 milliards de dollars à 269 milliards.

A l’opposée, l’économie marocaine, l’une des plus diversifiée au niveau du continent avec l’Afrique du Sud, va voir sa richesse créée croitre et passer de 144 milliards de dollars à en 2023 à 225 milliards en 2030, soit une évolution de 56,25% (+81 milliards de dollars).

Bien qu’ayant souffert des sécheresses récurrentes au cours de ces dernières années, l’économie marocaine a montré des signes de résilience grâce notamment à sa diversification. Outre un secteur agricole moderne, l’économie marocaine est désormais tirée par le secteur automobile devenu la première source d’exportation du pays, devant les phosphates et engrais, mais aussi par les autres activités industrielles dont l’aéronautique, mais aussi les services. Après avoir occupé le 5e rang des économies africaines en 2024, au détriment de l’Ethiopie, le Royaume devrait conserver ce statut jusqu’à 2029.

La co-organisation de la Coupe du monde 2030 avec l’Espagne et le Portugal devrait dynamiser davantage l’économie marocaine sur le période 2025-2030, grâce au développement des infrastructures (aéroports, autoroutes, stades, hôtels...), au tourisme...

Derrière ces 6 pays, le Top 10 des grandes puissances économiques du continent en 2030, devrait être complété par le Kenya (PIB de 162 milliards de dollars), l’Angola (145 milliards de dollars), la Côte d’Ivoire (135 milliards de dollars) et la Tanzanie (132 milliards de dollars). Hormis l’Angola dont l’économie repose sur les hydrocarbures, les autres pays ont des économies dominées par l’agriculture. C’est le cas notamment de la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial du cacao et de l’anacarde, dont le PIB devrait passer de 80 milliards de dollars en 2023 à 145 milliards en 2030, soit une évolution de 81,25% (+65 milliards de dollars).

Evolutions des PIB des 10 plus grandes économies africaines sur la période 2023-2030

Pays20232024202520262027202820292030
Egypte394383347389433481532587
Afrique du Sud381400410424439456472490
Nigeria364188188192212237265297
Algérie248265269269275280285291
Ethiopie160143117139159182206233
Maroc144155166177188199212225
Kenya109121132128132140151162
Côte d’Ivoire808794103112122133145
Tanzanie79808694102112123135
Angola110116113109113119125132

Source: tableau confectionné à partir des données du FMI

Reste que les projections du FMI au cours de ces dernières années ont tendance à ne pas refléter la réalité. Des situations qui s’expliquent certainement par les nombreuses incertitudes que ses experts ne peuvent maitriser: Covid-19, dévaluation des monnaies, chute ou envolée brusque des cours des matières premières, changement de politiques économiques…

Par Moussa Diop
Le 27/04/2025 à 11h40