Exportations de l’industrie automobile: le Maroc leader en volume et au coude-à-coude avec l’Afrique du Sud en valeur

Exportation de voitures Dacia au niveau de la plateforme Renault Tanger Med.

Le 20/05/2024 à 16h22

Le Maroc et l’Afrique du Sud monopolisent les exportations de véhicules alors que la Tunisie en exporte uniquement des composants. Les expéditions des trois pays ont totalisé plus de 31 milliards de dollars en 2023, intégrant davantage l’Afrique dans la chaîne de valeur de l’industrie automobile mondiale.

La production de l’industrie automobile au niveau du continent africain continue de croître, s’établissant à 1,17 million d’unités en 2023, en augmentation de 14,5%, par rapport à 2022. Ce volume dépasse même celui des ventes de véhicules neufs qui a baissé de 2,4% en 2023 pour s’établir à 1,05 million d’unités. Cette industrie est orientée essentiellement vers l’export.

Selon les données disponibles, plus de 80% des véhicules légers fabriqués en Afrique sont exportés, notamment sur le marché européen, de loin la première destination des exportations de l’industrie automobile africaine. Au Maroc, l’export représente environ 90% de la production de véhicules.

Au-delà des véhicules, les pays africains sont aussi de grands pourvoyeurs de composants à l’industrie automobile mondiale, grâce notamment aux délocalisations opérées par les multinationales pour bénéficier des bas coûts et pour la proximité avec les grands constructeurs européens. Si pour les voitures, l’Afrique du Sud et le Maroc sont les seuls exportateurs, pour les composants, en plus de ces deux pays, la Tunisie est aussi un important exportateur.

Maroc: premier exportateur de véhicules et de composants en volumes

Si le Maroc est le second producteur de véhicules d’Afrique avec une production de 535.825 voitures produites dont 471.950 véhicules particulières, derrière l’Afrique du Sud, le Royaume reste, en volumes, le premier exportateur de véhicules et de composants automobiles du continent. En combinant les exportations de Renault Maroc (343.652 unités) et les estimations portant sur les expéditions de Stellantis, les exportations totales de véhicules produits au Maroc devraient avoisiner les 470.000 unités, largement au-dessus des 399.594 unités expédiées par l’Afrique du Sud en 2023.

En valeur, les exportations du secteur automobile (voitures et composants automobiles) ont totalisé un montant global record de 141,76 milliards de dirhams (14,3 milliards de dollars à valeur d’aujourd’hui), en forte augmentation de 27% (+30,5 milliards de dirhams) par rapport à 2022 (111,2 milliards de dirhams. Avec ce volume, le secteur automobile marocain consolide sa position de premier secteur exportateurs du Royaume, loin devant les secteurs agriculture et agroalimentaire (83,14 milliards de dirhams) et phosphates (76,14 milliards de dirhams). Le secteur a même représenté, à lui seul, 33% des exportations totales du Royaume en 2023, contribuant fortement à la baisse du déficit commercial du pays.

Dans les détail, les exportations du secteur comprennent trois composants: construction automobile, câblage et powertrain.

L’industrie de la construction automobile qui couvre la fabrication et l’assemblage de composants structurels, de panneaux de carrosseries, de châssis et d’autres pièces essentielles, a connu une progression annuelle de 22% avec des exportations qui ont atteint 67,63 milliards de dirhams, soit 6,7 milliards de dollars. En ce qui concerne le segment automobile, presque 90% de la production de voitures est annuellement exportée.

C’est Renault Maroc qui assure le gros lot des exportations automobiles avec un volume de 343.652 unités expédiées en 2023 sur une production de 382.661 unités. Les exportations de la filiale marocaine du constructeur français sont en hausse de 14,5%, par rapport à celle de 2022. Elle ont représenté 89,80% de la production de véhicules de Renault Maroc et l’équivalent de 86% des exportations en volume de l’Afrique du Sud. Les véhicules du groupe ont été exportés vers 68 destinations. Et c’est la Dacia Sandero «made in Morocco» qui est à nouveau le véhicule le plus vendu à l’étranger, essentiellement sur le marché européen.

Pour sa part, le volume des exportations de Stellantis n’étant pas dévoilé, il est possible d’extrapoler sachant qu’environ 90% de la production est exportée. Pour une production avoisinant 150.000 unités en 2023, les exportations devraient se situer autour de 130.000 unités.

Suivent les exportations de l’industrie des faisceaux de câbles, qui consiste à assembler des fils électriques, des connecteurs et d’autres composants pour former le système de câblage à l’intérieur d’un véhicule. Cette industrie historique du secteur automobile marocaine a enregistré la plus forte hausse avec des exportations qui ont bondi de 32% pour s’établir à 46,14 milliards de dirhams (4,5 milliards de dollars). Enfin, il y a l’industrie du groupe motopropulseur qui regroupe les systèmes internes aux véhicules. Celui-ci a enregistré un taux de croissance annuel de 25% avec des exportations qui ont dépassé 11,38 milliards de dirhams, soit 1,1 milliard de dollars.

Du côté de la géographie des exportations, on notera que les voitures produites au Maroc et les composants automobiles sont exportées un peu partout dans le monde. L’Union européenne demeure toutefois la principale destination des exportations marocaines. Les principaux clients de l’industrie automobile sont la France, l’Allemagne, l’Italie où sont implantés les grands groupes automobiles européens. Ces exportations illustrent l’intégration du Royaume dans le chaîne d’approvisionnement des grands constructeurs automobiles européens.

S(agissant des perspectives, le Maroc compte consolider la place de ce secteur devenu la locomotive de son industrie et de ses exportations. Pour cette année, Bank Al-Maghreb, la banque centrale du Maroc, estime que les exportations devraient atteindre 155 milliards de dirhams. L’objectif est d’atteindre, dès 2025, une capacité de production de 1 million de véhicules. A cette date, les exportations du secteur devraient atteindre 200 milliards de dirhams, soit 20 milliards de dollars avant d’atteindre 360 milliards de dirhams à l’horizon 2029.

Pour cela, le Maroc compte sur l’arrivée de nouveaux constructeurs et l’implantation de nouveaux fournisseurs et équipementiers. L’autre enjeu est désormais l’adaptation aux nouvelles technologies (fabrication additive, connectivité…), l’innovation (pièces intelligentes) et la prise en compte de la composante environnementale.

Afrique du Sud, premier producteur de véhicules

Au total, le premier producteur de véhicule du continent a exporté 399.594 véhicules en 2023, en hausse de 13,60% (+47.809 unités) par rapport à 2022. L’Afrique du Sud est ainsi devancée par le Maroc en termes de volumes d’automobiles exportés.

Toutefois, en valeur, les exportations de véhicules et de composants se sont établies à 270,8 milliards de rands en 2023, soit 14,86 milliards de dollars, en hausse de 19,1% (+43,5 milliards de rand), par rapport à 2022. Elles représentent 14,7% du total des exportations totales sud-africaines.

En détails, les exportations de voitures se sont établies à 203,9 milliards de rands en 2023, en augmentation de 29,94% (+46,9 milliards de rands). En tout, 65,5% de la production de voitures légères sud-africaine a été exportée en 2023.

Les véhicules exportés sont Volkswagen, Mercedes, Toyota, BMW, Ford…L’Union européenne et le Royaume-Uni ont capté 75,50% des exportations de véhicules produits en Afrique du Sud. Les principaux clients sont le Royaume-Uni, l’Allemagne, Japon, Italie, France, Etats-Unis, Espagne, Belgique…

Concernant les composants automobiles, les exportations ont baissé de 3,4 milliards de rands pour s’établir à 70,3 milliards de rands. Les composants exportés sont des convertisseur catalytique (44% des exportations de composants), pièces de moteurs, pneus, chaises, radiateurs, filtres, jauges, pièces de freins, batteries, verres automobiles, essieux, boites de vitesse, volants, système d’allumage, arbres de transmission, systèmes d’alarme, moteurs, faisceaux de câbles… Le secteur des composants automobile sud-africain se compose de 198 fournisseurs dont 75% de filiales de multinationales étrangères.

Les exportations de composants automobiles sud-africains sont destinées majoritairement au marché européen, notamment le Royaume-Uni, la France, l’Espagne, les Pays-Bas, la Belgique, la Pologne, l’Allemagne, mais aussi les Etats-Unis, le Canada, l’Australie…

L’industrie des composants automobiles joue un rôle important en soutenant la fabrication de véhicules et est sources d’importantes recettes d’exportation. En 2023, le secteur employait 85.560 employés, contre seulement 33.509 dans la construction automobile.

L’industrie automobile sud-africain a exporté vers 152 pays en 2023, contre 148 pays en 2022. Toutefois, avec une valeur totale de 147,1 milliards de rands, l’Union européenne demeure le principal client des exportations de l’industrie automobile sud-africaine. Le continent africain a représenté 15,8% du total des exportations de l’industrie automobile sud-africains pour un montant de 42,8 milliards de rands, en progression de 22,5% par rapport à 2022. En plus, le pays exporte des kits semi-démontés (SKD) destinés à être assemblés dans certains pays africains qui ont mis en place des unités d’assemblage de véhicules en partenariat avec des constructeurs mondiaux

Composants automobiles: les ambitions de la Tunisie

En dehors du Maroc et de l’Afrique du Sud, aucun autre pays africain n’exporte des voitures. Toutefois, la Tunisie exporte de grandes quantités de composants automobiles: fils et câbles, pièces de rechanges, châssis et carrosseries, composants de moteurs, textiles et cuirs, caoutchoucs,

Avec quelques 250 fournisseurs et d’équipementiers implantés dont de nombreuses filiales de multinationales de 20 nationalités différentes, le secteur des exportations automobiles a généré à hauteur de 2,5 milliards de dollars, soit plus de 16% des exportations du pays, avec un taux d’intégration de 30%.

Les exportations sont destinées à hauteur de 80% au marché européen. Le secteur représente 50% des exportations industrielles tunisiennes et emploie plus de 95.000 salariés et contribue à hauteur de 4% du Produit intérieur brut.

En ce qui concerne la destination des exportations, la quasi-totalité des expéditions vont sur le marché européen. L’Allemagne représente 37% des exportations de composants automobiles tunisiens, devant la France (21%), la Roumanie (12%), l’Italie (11%)…

Le secteur compte actuellement environ 280 entreprises industrielles, dont 140 à capitaux étrangers dont une trentaine d’entreprises allemandes. Parmi celles-ci, 65% sont totalement exportatrices comme Faurecia, Valeo, MGI Coutier, Lacroix Electronics, Prysmian, Ardia, Actia, Plastivaloire…

Pour doper le secteur, le gouvernement a mis en place le Pacte de partenariat public-privé pour la compétitivité de l’industrie des composants automobiles en Tunisie à l’horizon 2027. Celui-ci comprend 29 mesures articulées autour de 5 axes: infrastructures et logistique, cadre juridique, recherche et développement, emploi et formation et promotion de l’image. Grâce à cette stratégie, les autorités ambitionne de porter ses exportations à 13,5 milliards de dinars à l’horizon en 2027.

Le Comité chargé du pacte de partenariat pour la promotion de la compétitivité du secteur automobile et de l’équipement automobile en Tunisie a, lors de sa première réunion tenue le 15 décembre 2023, annoncé l’objectif du secteur de doubler la valeur des exportations pour la porter à 14 milliards de dinars d’ici 2027 et porter la valeur des investissements dans le secteur des composants automobiles à 22% du PIB en 2027, contre 12% en 2019, la création de 60.000 postes supplémentaires…

Pour atteindre cet objectif, la Tunisie mise sur l’amélioration de son environnement des affaires, la qualité de ses ressources humaines avec 7.500 ingénieurs formés annuellement, les investissements étrangers en tirant profit des relocalisations opérées par les opérateurs européens…

Enfin, il faut souligner que les trois pays exportateurs de véhicules et/ou de composants automobiles africain doivent faire face à la décarbonisation qui représente aujourd’hui un enjeu majeur. Ils doivent se préparer au virage vers les voitures propres au risque de freiner leurs secteurs exportateurs, surtout vers le marché européen qui a instauré une taxe applicable à tout produit ayant une empreinte carbone élevée et qui compte mettre fin à la vente des voitures neuves thermiques à partir de 2025.

Par Moussa Diop
Le 20/05/2024 à 16h22