Dans ce pays d’Afrique centrale régulièrement pointé du doigt dans des affaires de détournement de fonds, un nouveau feuilleton politico-judiciaire a éclaté il y a quelques semaines. D’une ampleur inédite cette fois, car touchant l’entourage de l’ancien homme fort de la présidence gabonaise, Brice Laccruche Alihanga.
Son limogeage le 7 novembre du poste de directeur de cabinet de la présidence d’Ali Bongo Ondimba, fonction qu’il occupait depuis plus de deux ans, a sonné le coup d’envoi d’une vague d’interpellations sur fond de soupçons de corruption et de malversations financières.
Une vingtaine de personnes ont été interpellées, notamment, l’ancien directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAMGS), Renaud Allogho Akoue, mais également le directeur de la communication présidentielle, Ike Ngouoni, considéré comme le bras droit de Laccruche.
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Aujourd’hui simple ministre, Laccruche fait profil bas, alors qu’il n’avait cessé de gagner en influence depuis l’accident vasculaire cérébral (AVC) du président Bongo, survenu en octobre 2018.
L‘étau semble en tout cas se resserrer, avec la publication mercredi d’une double page dans le quotidien pro-gouvernemental l’Union affirmant que plus de 85 milliards de francs CFA, soit 129 millions d’euros, se sont “volatilisés” ces deux dernières années au sein de la Gabon Oil compagny (GOC). Une entreprise publique gérée par un certain Patrichi Tanasa, proche de Laccruche, en garde à vue depuis lundi.
L’enquête de l’Union cible notamment la Dupont Consulting Compagny, une société privée dont les administrateurs se trouvent être l’actuel ministre de l’Energie, Tony Ondo Mba, et le frère de Laccruche, Gregory Laccruche. Ce dernier a été interpellé mercredi, a indiqué à l’AFP une source proche du pouvoir.
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Selon l’avocat Anges Kévin Nzigou, qui représente une dizaine de personnes qui ont été placées en garde à vue, ses clients ne sont pas informés des motifs de leur incarcération. Et pour Boris Rosenthal, qui représente le porte-parole de la présidence Ngouoni, pas de doute : “il y a une vendetta politique”.
Mais la présidence appelle, elle, à “dépolitiser” l’enquête. “Quelle que soit votre place, s’il y a des soupçons, il n’y a pas d’impunité. Maintenant c’est à la justice de faire son travail, de trancher”, affirme Jessye Ella Ekogha, qui remplace Ngouoni.
Selon lui, il s’agit surtout de la suite de l’opération Mamba, lancée en 2017 par le président pour lutter contre la corruption.
Vendredi, Ali Bongo Ondimba a présidé un conseil extraordinaire de la magistrature, une première en dix ans au pouvoir.
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Dans la foulée, le procureur de Libreville Olivier N’Zahou a perdu sa place au tribunal de première instance de Libreville pour être envoyé comme avocat général à Franceville, à l’autre bout du pays.
“Aujourd’hui, N’Zahou se cache car il est suivi et il a l’impression qu’on veut en finir avec lui”, assure Me Nzigou, qui le représente également.
Le Syndicat des magistrats du Gabon (Synamag) a d’ores et déjà averti qu’il “s’opposera à l’arrestation (d’un magistrat) si celle-ci n’est pas faite dans les règles”.
La présidence a également procédé à plusieurs changements à des postes clés des services de renseignement et de sécurité ces derniers jours.
L’opposition accuse
Face à ce bouleversement de la vie politique gabonaise, une partie de l’opposition continue, elle, d’affirmer que le président Bongo n’est plus en capacité de diriger le pays.
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Le collectif d’opposants Appel à agir, qui demande une expertise sur la santé du président depuis mars, estime que “les impostures se succèdent à la tête du pays”. Il dénonce “une monarchisation” du Gabon, affirmant, comme la presse d’opposition, que les récents bouleversements témoignent du “pouvoir grandissant de l‘épouse et du fils d’Ali Bongo”.
“Parler d’inaptitude alors que le président a présidé un Conseil supérieur de la magistrature il y a quelques jours ne peut être pris au sérieux”, rétorque le porte-parole de la présidence par interim.
“Nous n’avons pas encore suffisamment de recul pour comprendre ce qui se passe”, avoue perplexe le politologue gabonais André Adjo. “Qui pouvait imaginer il y a quelques semaines que la situation allait évoluer ainsi? “.