Union africaine: la désignation d'Alpha Condé vue par les Guinéens

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Le 01/02/2017 à 19h47

Après sa désignation à la tête de l'Union africaine, lundi, Alpha Condé est attendu à Conakry le jeudi 2 février 2017. Si le camp présidentiel mobilise ses forces pour lui réserver un accueil en fanfare, l'opposition fustige "une surestimation de l'évènement".

A Conakry, les affiches à l'effigie d'Alpha Condé annoncent la fête. Sur des banderoles, on peut lire : "Professeur Alpha Condé au service des femmes et jeunes d'Afrique" ou " Alpha Condé, panafricain convaincu." Banta Sow, responsable du parti présidentiel et conseiller à la Présidence, a demandé au gouvernement de déclarer la journée du 02 février fériée, chômée et payée.

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"Ce jour, les Guinéens doivent se mobiliser en blanc pour accueillir le président de la République, président de l'UA, en provenance d'Addis-Abeba... ", a lancé Bantama Sow, samedi dernier, lors du meeting hebdomadaire du RPG-Arc-en-ciel (le parti présidentiel). Le député de la majorité présidentielle, Abdourahmane Sinkou Camara renchéri : "cette réception n'est pas seulement pour le parti. C'est tout le peuple qui est concerné, puisqu'elle est organisée pour l'honneur de la Guinée et des Guinéens." " La Guinée sur le toit de l'Afrique, c'est une grande première, une fierté nationale, et c'est ce que nous célébrons ", indique Paul Moussa Diawara, membre de la commission d'organisation de l'accueil du président Condé.

"10 milliards de francs guinéens"

A moins de 24 heures du retour au pays d'Alpha Condé, le gouvernement n'a toujours pas avalisé le souhait du parti d'Alpha Condé. En attendant, ce souhait fait face à un fort dénigrement de la part de l'opposition. " La désignation de Monsieur Alpha Condé à la tête de l'UA est un non-évènement. Puisqu'Alpha Condé n'a pas été élu sur des critères de performances, ni économique, ni politique ", estime Fodé Oussou Fofana. Ce vice-président de l'UFDG, parti-phare de l'opposition guinéenne, est fâché par " la surestimation de l'évènement et la dilapidation de fonds publics qui va en découler ". 

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" J'apprends que plus d'une dizaine de milliards de francs guinéens qui vont être dépensés pour accueillir Alpha Condé à Conakry et à l'intérieur du pays. C'est vraiment du gaspillage, puisque ça n'en vaut pas la peine. La présidence de l'UA est tournante...Même Robert Mungabé l'a exercé ", s'indigne le député de l'opposition. " Ce qu'on ne vous dit pas en Guinée c'est que les concurrents d'Alpha Condé ont fini par renoncer à leurs candidatures... Le président mauritanien l'a refusé parce qu'il veut se consacrer à son pays qui a des difficultés financières. Sachez que les frais de missions du Président en exercice ne sont pas à la charge de l'Organisation.

Alors ce sont les caisses de l'Etat qui seront vidées pour les nombreux voyages d'Alpha Condé...", révèle sur la radio Espace FM, Ousmane Gaoual Diallo, un autre député de l'opposition. " Balivernes ! " Réplique vigoureusement Laye Junior Condé, partisan du pouvoir qui croit que " les autres chefs d'Etat soutiennent les missions du président en exerce "

Faya Millimono, l'opposant connu pour ses analyses pertinentes, partage une réaction mitigée. Si d'une part, il trouve en cette élection d'Alpha Condé une fierté nationale, Millimono doute cependant de la capacité de l'homme à assumer une responsabilité continentale. " La Guinée risque d'avoir honte. 

Comment quelqu'un qui n'a pas été capable de gérer 245 657 km2 et une population d'environ 11 millions d'habitants pourrait-il parvenir à assumer des responsabilités à un niveau continental ", craint le président du parti Bloc Libéral. Mais les partisans du président guinéen ne manquent pas de contre-arguments. Ils mettent en avant la résolution de la crise gambienne par le doyen Condé, son intervention dans la crise bissau-guinéenne, son statut de coordinateur du plan d'électrification de l'Afrique... " Son élection n'est qu'une confirmation ", estime le député Amadou Damaro Camara.

"Que deviendra le pays ?"

Après cette désignation d'Alpha Condé, les journalistes animateurs " des Grandes Gueules ", l'une des émissions radiophoniques les plus suivies du pays, se sont interrogés mardi sur l'avenir du pays. Alors que le pays doit combattre " la corruption généralisée ", faire face à la pauvreté galopante, au chômage des jeunes, à l'insécurité, au manque d'infrastructures... son président doit désormais partager son temps avec les autres pays. Et c'est ce qui inquiète les journalistes.

Issiaga Sylla, un diplômé sans emploi, abonde dans le même sens que les journalistes. " Que deviendra le pays ? ", s'interroge-t-il. Par contre, l'analyste politique Mohamed Camara place avant tout l'honneur, le rayonnement diplomatique, la visibilité... que le pays va gagner de cette Présidence. " Cela aura des retombées économiques et touristiques sur le pays ", reste convaincu Mohamed Camara. Qui, sur le site Guineematin.com, a appelé les Guinéens à accompagner leur président.

" Je ne suis pas d'accord avec la politisation que le parti présidentiel veut faire de l'évènement ", réagi Dansa Kourouma, président de la Coordination nationale des organisations de la société civile de Guinée. Pour lui, il est à comprendre que c'est poste qui présente beaucoup plus de défis que d'avantages. " Il y a les défis de la respectabilité de l'Union Africaine, de la résolution des conflits sur le continent, du financement des grands projets panafricains, l'amélioration de la gouvernance en Guinée pour servir d'exemple aux autres pays..." Alpha Condé peut-il relever tous ces défis ? "S'il veut, il peut", estime Kourouma.

Par Mamourou Sonomou (Conakry, correspondance)
Le 01/02/2017 à 19h47