Guinée: un front pour prévenir un troisième mandat d'Alpha Condé

Cellou Dalein Diallo, président de l'UFDG et chef de file de l'opposition guinéenne.

Cellou Dalein Diallo, président de l'UFDG et chef de file de l'opposition guinéenne. . DR

Le 09/02/2017 à 19h16, mis à jour le 14/04/2017 à 08h55

En Guinée, la société civile et l'opposition prennent désormais au sérieux les propos des dignitaires du parti présidentiel qui parlent d'un troisième mandat pour Alpha Condé. Un front s'est constitué pour les empêcher de passer à l'acte.

Le débat autour d'un troisième mandat pour Alpha Condé a été lancé en novembre dernier à N'Zérékoré. Dans cette ville du sud du pays, Bangaly Kourouma, directeur général de la police, avait lancé : " tant qu'Alpha Condé est en vie, il sera président de la Guinée." Une phrase qui a fait couler beaucoup d'encre et de salive. L'opposition et la société civile l'ont vivement condamnée, alors qu'en dépit de quelques soutiens voilés, le parti présidentiel s'était désolidarisé du directeur général de la police dans une déclaration publique...

Pourtant, le 21 janvier dernier, au cours d'une assemblée au siège du parti, la députée et coordinatrice du RPG-Arc-en-ciel, Nantou Chérif déclarera à son tour que "le peuple de Guinée va demander un troisième mandat pour le président Alpha Condé". Et depuis cette autre déclaration, le débat a pris de l'ampleur.

Mardi 06 février, l'Opposition républicaine (à sa tête l'UFDG de Cellou Dalein ) a réitéré ses inquiétudes. "Nous regrettons que la première personnalité politique du RPG Arc-en-ciel se soit publiquement déclarée en faveur d'un troisième mandat pour le Pr Alpha Condé", a déclaré Aboubacar Sylla, porte-parole de l'Opposition républicain. Inquiets, Cellou Dalein et Cie n'entendent pas se laisser faire. Et tout commence par la création d'un front ouvert aux autres partis, ainsi qu'à la société civile et aux syndicats. "Nous nous opposerons jusqu'à la dernière énergie à ce tripatouillage de la constitution. Nous n'accepterons pas non plus qu'une nouvelle constitution soit proposée en faveur d'Alpha Condé ", a averti Aboubacar Sylla.

Cette fois-ci, Dr Faya Millimono, président du Bloc libéral, a laissé de côté ses différends avec l'Opposition républicaine pour saluer l'idée de la mise en place d'un front contre un troisième mandat d'Alpha Condé. Mais il rappelle à ses pairs de l'Opposition républicaine qu'un front existe déjà. "Nous invitons humblement nos amis de l'opposition républicaine à venir au front pour que, comme ils l'ont annoncé, nous mettions en place une coalition qui va empêcher le tripatouillage de la Constitution et qui va également défendre les droits et liberté de la population", a lancé Dr Faya Millimono. Pas question pour l'Opposition républicaine de rejoindre le Front de Millimono. Dénommé Front national pour la défense des citoyens, celui-ci a été créé à la suite d'un désaccord entre opposants sur l'amendement du Code électoral. Dr Faya Millimono et les leaders du Front s'opposent à l'Opposition républicaine et à la mouvance présidentielle quant à la désignation des chefs de quartiers et de districts au prorata des résultats des élections communales.

"Dieu a déjà choisi"

Face à l'agitation de l'opposition, le camp présidentiel veut faire croire que la préoccupation des Guinéens est ailleurs. M'bany Sangaré, secrétaire administratif du parti au pouvoir, parle d'ailleurs de faux débat. "Je demande à cette franche de l'opposition de mettre de l'eau dans son vain pour qu'on puisse construire notre belle Guinée", a répliqué Sangaré sur le site Mediaguinee.com.

Le cadre du RPG-arc-en-ciel en profite d'ailleurs pour provoquer l'opposition. "Je constate malheureusement que certains parmi eux pensent qu'après le Pr Alpha Condé ce sont eux qui viendront automatiquement. Ils sont en train de se tromper, Dieu a déjà choisi celui qui vient", lance Sangaré.

La société civile, elle, approuve le combat. Mais elle n'entend pas se retrouver dans un même organe que les partis politiques. "Il n'y aura pas d'organe qui réunira en même temps les acteurs politiques et les acteurs de la société civile", s'oppose clairement Dansa Kourouma, président du Conseil national des organisations de la société civile de Guinée (CNOSC). En fait, le président du CNOSC n'a pas encore pardonné à la classe politique qui n'est pas parfois tendre avec la société civile.

La constitution guinéenne ne prévoit que deux mandats présidentiels. Alors qu'Alpha Condé n'a jamais déclaré vouloir un troisième mandat, il n'a jamais non plus blâmé ceux qui promeuvent l'idée. Toutefois, les grandes mobilisations organisées à Conakry et à l'intérieur du pays en faveur du président inquiètent l'opposition. Dans ces rassemblements, des partisans du pouvoir n'hésitent pas à demander un troisième mandat au président. "Le premier objectif est de demander à Monsieur le Président de la République de se prononcer, de réitérer son engagement de se conformer à la constitution et de ne pas vouloir la tripatouiller", a déclaré Cellou Dalein, sur RFI, se prononçant sur la constitution du front anti-3e mandat.

Par Mamourou Sonomou (Conakry, correspondance)
Le 09/02/2017 à 19h16, mis à jour le 14/04/2017 à 08h55