"Je ne mange pas avec ceux qui mangent l'Afrique", a répondu Tierno Saïdou Diallo alias Tierno Monénembo à l'invitation de François Hollande au dîner qu'il offrait au président guinéen en visite d'Etat à Paris, la semaine dernière. Il n'en fallait pas plus pour que le Prix Renaudot 2008 soulève de nouveau la polémique sur sa personne. Acte héroïque pour les uns, propos d'opposant pour les autres, Tierno Monenembo divise. Mais très vite, les ressentiments guidés par des considérations ethniques plutôt que rationnelles ont émergé pour se transformer en virulentes attaques.
Sur Guinee7, Ousmane Sylla, l'un des défenseurs de Monénembo, croit qu'on tente de dénier à l'écrivain ses droits, et ses positions légitimes, alors que celui-ci s'est déjà clairement affiché comme opposant. En effet, dans une interview accordée au site Guinee7 en 2013, l'écrivain déclarait : "tout le monde sait que je ne suis d'aucun parti politique, mais je peux me réclamer de l'opposition."
Alpha Condé en a toujours pris pour son grade
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Dans ses discours, l'écrivain n'a jamais été tendre avec le pouvoir d'Alpha Condé, et qualifie le locataire de Sékhoutoureya de "chouchou" de la Françafrique. "Hier aussi, du temps de Lansana Conté, j'étais dans l'opposition et pour être clair je me suis opposé à tous les régimes qui se sont succédé. A ce moment là, il y avait un monsieur dans l'opposition appelé Alpha Condé ", explique Tierno Monénembo.
Sauf que ses détracteurs ne l'entendent pas de cette oreille. " Entre le mangeur de l'Afrique et le mangeur de la Guinée : le choix de Monenembo", titre Guinee7 pour son édito de ce mardi 18 avril. Le site estime que l'écrivain qui "s'est souvent nourri" en France se retrouve aujourd'hui dans le rôle de l'hôpital qui se moque de la charité.
La risposte de ses détracteurs
"Rentré en Guinée après des années d'exil en France, notre écrivain s'est montré proche de Cellou Dalein Diallo... Avec qui, il fait des marches, voyage, bat des campagnes électorales, et avec qui il mange forcément", dénonce-t-il dans une diatribe plus partisane que guidée par une démarche purement journalistique. Et d'ajouter: "le hic c'est que Cellou est aussi accusé de figurer parmi les mangeurs de la Guinée, pour avoir participé à des gouvernements successifs d'un régime qui a économiquement pillé la Guinée ".
C'est surtout au sein du parti au pouvoir que le refus de l'écrivain a été mal pris. "C'est un intellectuel foncièrement ethnocentrique", accuse Sékou Nana Sylla, un cadre du RPG.
Dans les cafés de Conakry, les citoyens réagissent aussi différemment aux propos de l'auteur. "C'est vrai que les Français sont ceux qui mangent l'Afrique, mais il pouvait se trouver une autre occasion pour exprimer cela. Surtout qu'il est écrivain, il a beaucoup d'espace pour exprimer ce qu'il pense ", analyse Morlaye Bangoura, étudiant en Droit public. En revanche, Abdoulaye Bah, sociologue, estime que Tierno Monénembo a " frappé au bon moment et au bon endroit ".