Malgré la contestation et les manifestants tués, Condé, 82 ans la semaine prochaine, n'entend pas se laisser dévier de la voie qu'il s'est tracée: doter son pays d'une Constitution "moderne", soumise dimanche à un référendum le même jour que des législatives. Quant à briguer sa propre succession fin 2020, "ça, c'est le parti qui décidera", dit-il.
De longues années d'opposition en exil, la prison, une accession quasi miraculeuse au pouvoir et deux mandats présidentiels ont forgé le caractère de cet homme svelte qui boîte légèrement.
Condé, qui se réclame de la gauche, est un orateur érudit, sachant enthousiasmer son auditoire. Mais il goûte peu la contradiction et ses adversaires le décrivent comme un homme autoritaire et impulsif.
"Personne ne dicte à la Guinée ce qu'elle doit faire", a-t-il averti un parterre de diplomates en janvier.
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"Condé a fait des choses importantes pour faire progresser la Guinée", convient Jim Wormington, de Human Rights Watch. Mais avec les violences policières des derniers mois, "il serait difficile d'en dresser un portrait positif. C'est ce qui rend les choses si tristes".
Né le 4 mars 1938 à Boké (ouest), Condé est issu de l'ethnie malinké, la deuxième du pays.
Il part en France dès l'âge de 15 ans et y obtient des diplômes en économie, droit et sociologie. Il enseigne ensuite à l'université parisienne de la Sorbonne.
Parallèlement, il dirige dans les années 1960 la Fédération des étudiants d'Afrique noire en France (FEANF) et anime des mouvements d'opposition au régime dictatorial d'Ahmed Sékou Touré, "père de l'indépendance" de la Guinée, colonie française jusqu'en 1958.
Sékou Touré le fait condamner à mort par contumace en 1970.
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Il rentre au pays en 1991, sept ans après la mort de Sékou Touré, auquel a succédé l'officier Lansana Conté. Aux présidentielles de 1993 et 1998, ni libres ni transparentes, Condé est officiellement crédité de 27% et de 18% des voix.
Le fondateur du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) inquiète Lansana Conté, qui le fait arrêter juste après la présidentielle de 1998. Il est condamné en 2000 à cinq ans de prison pour "atteintes à l'autorité de l'Etat et à l'intégrité du territoire national". Sous la pression internationale, il est gracié en 2001.
Il reste dans l'opposition après l'avènement de la junte du capitaine Moussa Dadis Camara en 2008. Mais en 2010, le "Professeur Alpha Condé" est enfin élu, au second tour, après avoir été très nettement distancé au premier par l'ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo. Il est réélu au premier tour en 2015.
Il a "tellement déçu", juge Cellou Dalein Diallo, actuel chef de file de l'opposition, selon qui Condé a instauré "une république bananière, une dictature qui ne dit pas son nom".
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Sanguin, Alpha Condé l'est certainement. Un jour, il réprimande des étudiants qui lui réclament les tablettes informatiques promises pendant sa campagne. "Vous êtes comme des cabris: +Tablettes, Tablettes!+", grince-t-il, sautant sur place à pieds joints.
Il se targue de son bilan: réalisation de barrages hydroélectriques, révision des contrats miniers et mise au pas de l'armée, le tout alors que le pays a fait face à une épidémie d'Ebola (fin 2013-2016).
La grande affaire de son deuxième mandat est son projet de doter la Guinée d'une Constitution "qui réponde aux besoins du monde d'aujourd'hui", dont la lutte contre les mutilations génitales des filles et les mariages précoces, ou un juste partage des richesses, dans un pays pauvre malgré ses ressources minières.