Guinée: la commission de réflexion sur la réconciliation à la rencontre des citoyens

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Le 12/02/2017 à 08h00

Les deux chefs religieux qui dirigent la Commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale ont entamé jeudi une série de rencontres avec leurs compatriotes. Ils leur expliquent le résultat de cinq ans de travail sur la réconciliation entre Guinéens.

La Commission a commencé par ceux qu'elle estime être au cœur de la réconciliation des Guinéens, c'est-à-dire les associations de victimes des violences politiques et les organisations de défense des droits de l'homme. Celles-ci n'ont pas mâché leurs mots sur cette question épineuse de la réconciliation. Elles ont fait part de leurs avis, leurs préoccupations, ainsi que leurs suggestions pour une réconciliation réussie en Guinée.

Avis différents

Les premiers Guinéens qui ont pris connaissance du rapport de la Commission émettent des avis différents. «Le Comité, à notre avis, n'a pas tenu compte de notre observation formulée lors de la précédente séance d'échanges...», s'indigne Yacouba Camara, président de l'association Plus jamais d'agression contre le peuple de Guinée. Yacouba, qui se réclame victime de l'agression «impérialo-portugaise» du 22 novembre 1970, estime que la Commission ne devrait pas se limiter à un simple sondage. Au contraire, poursuit-il, «la vérité historique» du pays devrait être transmise à la Commission pour lui permettre de situer les responsabilités. «Nous souhaitons qu'il y ait un débat public contradictoire, et que les Guinéens se regardent en face pour se dire toute la vérité sur leur histoire», suggère Yacouba Camara. 

Début des consultations pour la réconciliation nationale

Contrairement à Camara, la Commission donne une lueur d'espoir à Pascal Siba Onivogui. «Alors qu'on croyait être mis aux oubliettes, nous avons été invités aujourd'hui... C'est un pas vers la réconciliation nationale», affirme Siba, même s'il a encore sur le cœur le massacre perpétré contre sa communauté en 2000. Siba se souvient surtout de l'assassinat de son père, un professeur d'université tué comme beaucoup d'autres Forestiers qui accusaient le gouvernement de feu Lansana Conté de soutenir la présence du groupe rebelle "barbare" l'Ulimo (Mouvement de libération uni pour la démocratie au Libéria) dans leur région d'origine.

«Obligé de réussir»

Après avoir consulté plus de 9000 Guinéens, la Commission de réflexion sur la réconciliation nationale a rendu son rapport le 29 juin 2016. Monseigneur Vincent Koulibaly, archevêque de Conakry, et Mamadou Saliou Camara, grand imam de la mosquée Fayçal, y formulent plusieurs recommandations. Entre autres, ils demandent aux acteurs politiques de privilégier le dialogue comme mode de règlement des conflits. En raison du massacre de 2009 au grand stade de Conakry, les deux religieux ont recommandé d'institutionnaliser la date du 28 septembre en une journée nationale du repentir et de la prière. «La journée du 28 septembre est un symbole (date du Non historique de la Guinée à la France) de notre liberté, de notre dignité, on ne pourrait en aucun cas faire cette journée une journée du repentir», réplique Yacouba Camara.

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Il revient au gouvernement guinéen de donner suite au rapport de la Commission. En attendant, Monseigneur Vincent Koulibaly estime que la Commission doit continuer à vulgariser le résultat des consultations. Ainsi, après les victimes et les organisations de défense des droits de l'Homme, la Commission va rencontrer d'autres organisations de la société civile, les médias, les partenaires techniques et financiers du pays. «Nous sommes obligés de réussir si nous voulons la paix dans notre pays...», reconnait Monseigneur Vincent Koulibaly. Le chef religieux signifie à ses compatriotes que la réussite passera aussi par le vouloir vivre ensemble. «Si nous avons la volonté de nous mettre ensemble, Dieu nous soutiendra...», prêche-t-il.

Par Mamourou Sonomou (Conakry, correspondance)
Le 12/02/2017 à 08h00