Guinée: la découverte de 47.000 étudiants fictifs fait polémique

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Le 06/03/2017 à 13h51, mis à jour le 06/03/2017 à 14h12

Cette semaine, en Guinée, un rapport du ministère de l'Enseignement supérieur révèle qu'il y a davantage d'inscrits fictifs que d'étudiants en chair et en os dans les salles de cours. Les universités privées contestent les chiffres avancés par ce document.

Selon le rapport du recensement biométrique des étudiants entamé en 2016, sur les 85.000 étudiants répertoriés dans les universités publiques et privées de la capitale, plus de 47.000 sont fictifs. La majorité de ces étudiants hors normes se trouve dans les universités privées où ledit recensement a permis de découvrir quelque 32 mille cas fictifs sur un peu plus de 52.000 étudiants répertoriés. Les universités publiques, moins peuplées, abritent 14.000 cas fictifs sur un effectif de 33.000 étudiants répertoriés.

Suite à la publication de ces résultats, Dr Ousmane Kaba, le président de la Chambre représentative de l'Enseignement supérieur invoque des chiffres erronés. "Le ministre a parlé d'un peu plus de 52.000 étudiants mais je vous informe que l'effectif des universités privées n'atteint pas 51.000 étudiants", a répliqué Dr Ousmane Kaba sur le site guineenews.org.

Face aux chiffres du ministère de l'Enseignement supérieur, Ousmane Kaba a sorti les siens. Le nombre d'étudiants fictifs dans son université Koffi Annan, la plus grande université privée du pays, est de 5.000. Mais lui, il indique que l'effectif de Koffi Annan dans son ensemble est de 6. 438 étudiants."C'est complètement débile", se moque-t-il en constatant que 87% de l'effectif de son université sont fictifs. "Ils disent qu'il y a également 5 000 fictifs à l'Université Nongo de Conakry, alors que l'effectif total de cette université est de 3.400 étudiants", a signalé cet économiste de formation.

Ousmane Kaba dénonce un vice de forme dans la procédure de publication des résultats du recensement biométrique. "Ils devraient d'abord faire une réunion de restitution avant de parler à la presse. C'est insensé de convoquer les acteurs concernés à la même conférence que les journalistes", a vivement critiqué cet économiste de formation. Le président de la Chambre représentative de l'Enseignement supérieur en déduit que les universités privées sont visées par ce recensement biométrique dont "la procédure a été finalement précipitée".

Ancien allié du pouvoir, Ousmane Kaba qui est aussi député, a récemment créé le Parti des démocrates pour l'espoir (PADES) après un clash avec Alpha Condé. Et ses proches pensent que les résultats du recensement ont quelque chose à voir avec sa position politique actuelle.

Les universités privées entendent se réunir, et leur décision pourrait aller jusqu'à la suspension des cours. Ce qui plongerait la Guinée dans une nouvelle crise de l'enseignement supérieur.

"Je ne suis contre personne, ni contre le privé", a répliqué le ministre de l'Enseignement supérieur sur la radio Espace FM. Abdoulaye Yéro Baldé a d'ailleurs précisé que ces premiers chiffres ne concernent que les 32 universités privées de la capitale Conakry. Quant aux huit qui se trouvent dans les provinces, elles feront l'objet de la deuxième phase du recensement biométrique. Le ministre Baldé rétorque que ce sont les universités privées qui ont gonflé les chiffres lors du recensement, pensant que cela jouerait en leur faveur.

Pourtant, indique-t-il, l'objectif principal du recensement est la maîtrise des effectifs afin de pouvoir déterminer les besoins de l'enseignement supérieur en Guinée. Baldé a indiqué que les contrats avec les universités privées seront désormais basés sur les résultats du présent recensement biométrique.

Les universités privées en Guinée reçoivent chaque année une partie des bacheliers contre 1. 500.000 francs guinéens par an et par étudiant. Le président Alpha Condé a récemment critiqué la qualité de la formation dispensée par l'enseignement supérieur privé, considérant que le contrat avec les universités privées constitue un gaspillage d'argent pour l'Etat.

Contrairement aux universités privées, les universités publiques émettent peu de critiques à l'encontre du rapport du ministère de l'Enseignement supérieur.

Par Mamourou Sonomou (Conakry, correspondance)
Le 06/03/2017 à 13h51, mis à jour le 06/03/2017 à 14h12