Amadou Toumani Touré, qui a dirigé le Mali en 1991-1992 et été son président de 2002 à 2012, avait 72 ans.
Il reste aux yeux de nombreux Maliens le militaire qui a mis le pays sur la voie de la démocratie en 1992 après plus de 20 ans de dictature, au point de gagner le surnom de "soldat de la démocratie". Mais il fut aussi à la fin de sa présidence le dirigeant impuissant à contenir les rébellions du nord du pays, prémices des violences toujours en cours huit ans après et de la propagation jihadiste.
Celui que les Maliens connaissaient sous l'acronyme d'ATT disparaît moins de trois mois après un quatrième putsch en soixante ans d'indépendance, dans une nouvelle période de transition qui n'est pas sans éveiller le souvenir de celle qu'il avait conduite il y a trente ans. Plusieurs dirigeants africains, de la Côte d'Ivoire au Sénégal, mais aussi la France par l'intermédiaire de son ambassade au Mali, ont salué sa mémoire.
"Amadou Toumani Touré est décédé dans la nuit de lundi à mardi en Turquie où il avait été évacué pour des raisons sanitaires", a dit à l’AFP son neveu, Oumar Touré. Il avait été traité récemment pour un problème au coeur à l'hôpital du Luxembourg à Bamako, qu'il a contribué à créer, a précisé son frère Sory Kemesso.
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"Il voulait poursuivre le traitement en Turquie. Le président a marché pour monter dans l’avion samedi. Malheureusement il est décédé dans la nuit", a-t-il dit.
Comité de transition
Formé au Mali et en ex-URSS, l'ancien élève de l'Ecole de guerre de Paris appelé à commander la garde présidentielle malienne dans les années 1970 puis les commandos parachutistes dans les années 1980 était rentré au Mali, après une nouvelle formation en France, en 1990, en pleine déferlante démocratique africaine.
Il prend alors part en mars 1991, après des manifestations durement réprimées par le pouvoir, à un coup d'Etat qui a raison du régime du dictateur Moussa Traoré, en place depuis 1968.
Moussa Traoré vient également de s'éteindre, mi-septembre.
Amadou Toumani Touré prend la tête d'un comité de transition, exerce les fonctions de chef de l'Etat et dirige l'organisation d'élections. Il tient l'engagement pris de lâcher les rênes du pays, et la transition débouche en 1992 sur l'avènement d'Alpha Oumar Konaré, premier président démocratiquement élu depuis l'indépendance.
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Amadou Toumani Touré, récemment entré en politique après avoir pris sa retraite de l'armée, est à son tour élu président en 2002, et réélu en 2007.
Pendant dix ans, cet homme courtois et imbibé de valeurs africaines privilégie le consensus. La méthode contribue au reproche de faiblesse et d'inaction face à crise qui couve puis éclate dans le nord.
Coup d'Etat
Des voisins sahéliens l'accusent de laxisme face à Al-Qaïda au Maghreb islamique, quand Aqmi transforme le nord en sanctuaire. Lui renvoie ses détracteurs à leur propre passivité.
En sommeil depuis 2009, la rébellion touareg resurgit en janvier 2012 à la faveur du retour d'anciens rebelles ayant combattu en Libye aux côtés du leader Mouammar Kadhafi. Des islamistes radicaux affluent en provenance de pays voisins.
Le Mali est le théâtre de manifestations devant l'incapacité du gouvernement à stopper la crise et le manque de moyens dont dispose l'armée. Il connaît aussi des exactions contre les populations touareg. Le 21 mars, des soldats mutins prennent le pouvoir.
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Le coup d'Etat précipite en fait la déroute de l'armée. Le nord tombe sous la coupe des jihadistes avant qu'ils ne soient repoussés par une intervention militaire internationale lancée par la France.
Depuis, le pays pauvre et enclavé est aspiré dans une spirale de violences jihadistes et intercommunautaires qui ont fait des milliers de morts et se sont propagées au centre du Mali, au Burkina Faso et au Niger.
Exilé au Sénégal, Amadou Toumani Touré est autorisé en 2017 à rentrer par le président de l'époque, Ibrahim Boubacar Keïta. Ce dernier a à son tour été renversé le 18 août. Certains des officiers impliqués dans le coup de force, dont leur numéro deux, le colonel Malick Diaw, figuraient sur la photo de groupe des putschistes de 2012.
Les putschistes ont mis en place une présidence et un gouvernement de transition et se sont engagés à remettre le pouvoir à des civils élus sous 18 mois.