Mali: plusieurs personnalités civiles inculpées et écrouées pour tentative de coup d'Etat

Boubou Cissé.

Boubou Cissé.. DR

Le 31/12/2020 à 20h37, mis à jour le 31/12/2020 à 20h38

La justice malienne a inculpé jeudi six personnalités civiles, dont un ancien Premier ministre et un populaire animateur radio, et écroué cinq d'entre elles pour tentative présumée de coup d'Etat selon leurs avocats, quatre mois et demi après le dernier putsch en date dans le pays en guerre.

Cette affaire, révélée en décembre avec une série d'interpellations menées par la Direction générale des services de l'Etat (DGSE, le renseignement malien), demeure entourée de mystère. Elle a suscité une grande perplexité, étant donné la personnalité des mis en cause et le caractère étonnant d'une éventuelle tentative de déstabilisation, alors que les militaires ont la mainmise sur le pouvoir depuis le putsch qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août.

Le parquet de Bamako a annoncé jeudi dans un communiqué l'ouverture d'une information judiciaire contre six personnalités, dont le dernier Premier ministre avant le putsch d'août, Boubou Cissé, pour "complot contre le gouvernement, association de malfaiteurs, offense à la personne du chef de l'Etat et complicité".

Le juge a ordonné leur placement sous mandat de dépôt, à l'exception de Boubou Cissé, qui est "resté introuvable" selon le parquet. Cissé est présumé se trouver toujours à Bamako.

Le parquet évoque des faits présumés "d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat", des "indices graves et concordants" de l'existence d'une "entreprise criminelle" et des "actions de sabotage" contre des initiatives prises par les autorités de transition mises en place par les militaires après leur putsch.

Le parquet se garde de parler de coup d'Etat, mais c'est bien "pour des faits (présumés) de tentative de coup d'Etat" que les mis en cause ont été inculpés, a souligné dans un communiqué le collectif d'avocats qui les défend.

En dehors de Boubou Cissé, la justice a écroué Mohamed Youssouf Bathily, dit "Ras Bath", militant, polémiste et animateur radio aux nombreux sympathisants; Vital Robert Diop, directeur général du Pari mutuel urbain (PMU, organisation de paris sur les courses de chevaux et de jeux de hasard); Aguibou Tall, un responsable d'une agence oeuvrant à l'accès aux télécommunications, demi-frère de Boubou Cissé; et deux hauts cadres du Trésor public (Finances de l'Etat), Mamadou Koné et Souleymane Kansaye.

Désillusion

Autre personnage dans le collimateur: Sékou Traoré, secrétaire général de la présidence de la République. Interpellé lui aussi, il avait été relâché, mais n'est pas tiré d'affaire. Compte tenu de son statut de magistrat et d'un rang équivalant à celui de ministre, les éléments le concernant ont été transmis au procureur général près la Cour suprême, dit le parquet.

Aucun détail précis n'a été divulgué sur les faits reprochés. Le parquet invoque en termes vagues "des contacts suspects" entre certains mis en cause, des déplacements également suspects dans le pays ou la possibilité de liens avec des "organisations et personnalités influentes du monde médiatique (...) pour les besoins de l'entreprise criminelle projetée".

Boubou Cissé avait formellement démenti le 23 décembre toute implication dans un projet de déstabilisation.

"Tous les inculpés sont des personnalités civiles sans aucun lien établi avec un militaire quelconque", a relevé le collectif d'avocats. Il a dénoncé les pratiques observées "depuis un certain temps" de la part de la DGSE.

Cette affaire survient dans une période de profonde incertitude, dans un pays plongé depuis des années dans la crise sécuritaire et politique et confronté à la propagation jihadiste, parmi d'autres défis majeurs. Après le quatrième coup d'Etat depuis l'indépendance en août, les militaires ont mis en place des organes de transition qu'ils contrôlent étroitement mais qui sont censés céder le pas à des civils élus au bout de 18 mois.

L'accueil initialement favorable fait aux putschistes après des mois d'exaspération et de contestation fait progressivement place au désenchantement devant la militarisation ressentie de la transition et la lenteur des résultats.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 31/12/2020 à 20h37, mis à jour le 31/12/2020 à 20h38