Maroc-CEDEAO: pourquoi la demande d'adhésion fait peur à Alger

Mohammed VI, roi du Maroc, et Muhammadu Buhari, président du Nigeria.

Mohammed VI, roi du Maroc, et Muhammadu Buhari, président du Nigeria. . DR

Le 05/03/2017 à 21h53, mis à jour le 07/03/2017 à 22h49

Après le retour du Maroc au sein de l'UA et l'annulation de la visite de la chancelière allemande Angela Merkel, la demande d'adhésion du Maroc à la CEDEAO est sans doute l'information la plus commentée par la presse algérienne en ce début 2017. L'Algérie serait-elle prise à son propre piège?

Jusqu'ici l'Algérie pensait isoler le Maroc sur le plan des échanges avec les autres pays du Maghreb. Il suffit de regarder la carte pour comprendre que géographiquement l'Algérie ne ressent pas tout à fait l'inexistence du Grand Maghreb. Car, elle a des frontières avec l'ensemble des autres pays du Maghreb, notamment la Mauritanie, la Libye et la Tunisie. Au-delà de ces trois pays, elle revendique même un voisinage avec le Mali et le Niger, qu'elle affirme être sa "profondeur africaine".

Evidemment, il ne s'agit que d'une proximité géographique, puisqu'en réalité quand un pays réalise 97% de ses exportations dans les seuls pétrole et gaz, il n'a besoin ni de la Libye ni de la Tunisie, encore moins de la Mauritanie, du Mali et du Niger. Le pétrole et le gaz, on le sait, se vend plus aisément vers les pays européens de l'Ouest et du Sud qui en consomment plus que de raison et qui n'en produisent pas une goutte. C'est dire qu'à tout point de vue, l'Algérie n'a pas besoin du Maghreb et de son union. C'est d'autant plus vrai que la véritable construction de l'UMA suggère l'ouverture des frontières, ce qui offre des débouchés pour le Maroc concernant sa production industrielle, agricole et touristique. Or, de tout ceci, l'Algérie n'en veut point.

Ce n'est malheureusement pas le cas de l'économie marocaine qui a la force d'être basée sur une production diversifiée et qui doit avoir des clients étrangers, dans son proche voisinage. En effet, le Maroc vend ses produits agricoles vers l'Union européenne et les exporte aussi vers l'Afrique de l'Ouest.

De même, à Casablanca, Tanger et Kénitra est désormais basée une industrie aéronautique, automobile, électrique et électronique capable de rivaliser avec la concurrence européenne. Aujourd'hui, sur la géocarte de l'ensemble de ces secteurs, le Royaume s'est positionné. Les faits et les chiffres le montre à suffisance.

L'Algérie possède des frontières avec cinq autres pays africains. Une situation géographique qui ne lui sert à rien, puisqu'elle n'est intéressée que par l'exportation d'hydrocarbures. 

En revanche, le Maroc, qui n'a d'autres frontières qu'avec la Mauritanie est le premier investisseur en Afrique de l'Ouest et son économie diversifiée tire sa force de son ouverture.

Le Canadien Bombardier a préféré le Maroc au Mexique pour s'installer sur une superficie industrielle à Midparc de Casablanca, laquelle unité industrielle est vaste comme 6 terrains de foot (55.000 m2).

Tous les grands noms de l'aéronautique sont désormais présents sur le sol marocain, de Boeing à Airbus, en passant par leurs fournisseurs de premier, de deuxième voire de troisième rang. Car dans ce domaine, c'est bien connu, quand un avionneur civil ou militaire s'installe, les producteurs de nacelles et de pièces de carlingue, les câbleurs, les fournisseurs d'électronique de pointe, (électronique embarqué, mécatronique et électromécanique), ou encore les motoristes ne veulent pas rater la vague.

Et, on retrouve tout ce beau monde à Casablanca Midparc qui est une zone franche industrielle attenante à l'aéroport Mohammed VI. Eaton, Latocoère, Shneider... On n'en finit pas d'égrener les noms d'entreprises aéronautiques ayant pris d'assaut le royaume.

Le schéma est le même que dans l'automobilie. L'usine Renault-Nissan de Tanger dont la production a atteint 348.000 véhicules en 2016 a joué un rôle similaire, donnant même des idées à son principal concurrent qu'est le groupe PSA Peugeot-Citroën. Ce dernier a d'ailleurs commencé ses recrutements. Et quand on jette un œil dans l'écosystème automobile, une longue liste de fournisseurs défile, qui sont en installation ou en production depuis une dizaine d'années: Yazaki, Faurecia, Valeo, Lear, Delphi, Yazaki, Snop, Saint-Gobain ou Plastic Omnium et plus récemment, Leoni, Altran, etc.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 2016, le Maroc a exporté pour 41,8 milliards de dirhams, de produits d'équipement industriel, contre 38,8 milliards de dirhams un an auparavant, soit une croissance de 7,7%. Et cela dure depuis une dizaine d'années. Rien que dans le domaine de l'automobile, le Maroc vise 10 milliards d'euros d'exportations à l'horizon 2020. Il est évident que le marché africain devrait se fournir bientôt au Maroc dans les années à venir.

Et dans tous les domaines, on pourrait dresser un schéma identique qui montre le niveau d'ouverture de l'économie marocaine. Cela va du secteur bancaire à celui des assurances, en passant par le tourisme, le BTP, la monétique, etc. En Afrique de l'Ouest, rares sont les pays où la bannière des trois grandes banques marocaines n'est pas encore dressée. Le groupe Saham, avec 1 milliard de dollars de primes collectées est le premier groupe d'assurance africain hors Afrique du Sud. Dans le domaine de la monétique, il est difficile de parcourir le continent en n'utilisant pas la solution des trois sociétés que sont M2M, S2M, HPS.

Si les entreprises marocaines ont réussi toutes ces prouesses, qu'en sera-t-il en intégrant ce marché de 320 millions d'habitants qu'est la CEDEAO? L'Algérie a raison d'avoir peur. Puisque c'est visiblement l'histoire du serpent qui se mord la queue. En voulant trop isoler économiquement son voisin, elle a fini par le pousser à trouver d'autres opportunités.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 05/03/2017 à 21h53, mis à jour le 07/03/2017 à 22h49