Maroc-CEDEAO: la presse algérienne continue de ruer dans les brancards

Mohammed VI, roi du Maroc, et Muhammadu Buhari, président du Nigeria.

Mohammed VI, roi du Maroc, et Muhammadu Buhari, président du Nigeria. . DR

Le 07/03/2017 à 18h58, mis à jour le 07/03/2017 à 19h22

La moindre information sur la demande marocaine d'intégrer la CEDEAO est scrutée, analysée et commentée avec beaucoup de parti pris par la presse algérienne. Quand le président de la commission de la CEDEAO affirme que la décision est entre les mains des chefs d'Etat, on lui prête d'autres propos.

Pour avoir entendu Marcel Alain De Souza, président de la commission de la CEDEAO parler sur RFI de la demande d'intégration du Maroc à la communauté économique régionale, un journal algérien s'est fendu d'un article n'ayant ni queue ni tête. Le quotidien L'Expression, puisque c'est de lui dont il s'agit, affirme que "Les experts africains sont formels quant à l'impossibilité pour le Maroc d'intégrer la CEDEAO". C'est aller trop vite en besogne que d'interpréter la déclaration de De Souza de la sorte.

Mais au-delà de l'inexactitude du propos, cet article attire l'attention dans la mesure où il démontre l'obsession de la presse algérienne. Elle rue dans les brancards chaque fois que le Maroc cherche à participer à la construction de l'Afrique des unités. Il y a là comme un air de "déjà vu" qui nous rappelle le moment où le royaume chérifien souhaitait réintégrer l'Union africaine.

Pendant six longs mois, des dizaines d'articles dans les journaux algériens n'ont eu de cesse d'annoncer l'échec de la démarche marocaine. Quantité de déclarations ont été faites à hue et à dia par les diplomates sous l'autorité de Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères, pour qu'au final le retour du Maroc soit plébiscité et largement applaudi. Même les 11 pays qui dans un premier temps s'étaient positionnés contre cette réintégration, se sont pliés à la volonté des 39 autres ayant accueilli à bras ouverts le Maroc au sein de l'Union africaine.

De Souza comme Dlamini Zuma?

On est donc en droit de se demander si le même scénario n'est pas à l'oeuvre avec cette nouvelle demande marocaine. La ressemblance s'avère troublante à plusieurs égards.

Il y a un Marcel Alain De Souza, le Béninois à la tête de la Commission de la CEDEAO, comme il y avait une certaine Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de l'UA. Leurs déclarations respectives concernant les deux demandes du Maroc (CEDEAO et Union Africaine) se ressemblent à s'y méprendre. Tous deux préfèrent se réfugier derrière des arguments d'ordre juridique, évitant avec soin la dimension purement diplomatique. De Souza est dans son rôle, sauf que lui ne cherche visiblement pas à faire barrage au Maroc.

Il est vrai qu'il est plus "secrétaire" que "général" au sein de l'organisation régionale. Il ne décide de rien. Tout est entre les mains des chefs d'Etat, comme il l'a répété à maintes reprises au cours de son interview. 

C'est pourquoi il préfère se montrer prudent. En outre, sa déclaration n'a rien à voir avec ce que rapporte le journal L'Expression. Le président de la commission de la CEDEAO dit simplement qu'on "risque de créer un précédent puisque le Tchad avait fait les mêmes démarches. Et juste après le roi (du Maroc, ndlr), c’est la Tunisie qui m’a envoyé son ambassadeur pour dire que son pays voulait être membre à part entière".

Mais ce qu'ajoute Marcel Alain De Souza montre bien qu'il ne peut ni fermer ni ouvrir la porte à quelque pays que ce soit. "C’est heureux pour nous que la CEDEAO suscite autant d’engouement. Mais nous devons en profiter pour voir comment accélérer l’intégration et si tout ceci peut amener à booster les relations que nous avons avec les pays frères comme le Maroc et la Tunisie –pourquoi pas?–, mais cette décision relève de la Conférence des chefs d’Etat", déclare-t-il.

Seuls les chefs d'Etats sont souverains

D'ailleurs, dans l'interview accordée à Radio France International, Marcel Alain De Souza l'a répété plusieurs fois, rappelant à maintes reprises que le pouvoir de décision revient uniquement à Ellen Sirleaf Johnson, Macky Sall, Muhammadu Buhari, Alpha Condé, Roch Marc Christian Kaboré, ainsi quà leurs dix autres homologues de la CEDEAO.

Il souligne par exemple que les statuts de l'organisation ouvrent la possibilité d'être membre à tous les pays d'Afrique de l'Ouest. "Alors faut-il prolonger l’Ouest jusqu’au Nord? Nous allons soumettre la (question) aux chefs d’Etat qui prendront la décision", dit-il. Mais l'analyse qu'il fait montre qu'on a raison de douter du supposé pessimisme que lui prête L'Expression. "Ce qui est certain, c'est que nous pouvons entretenir de très bons rapports avec le Maroc, puisque comme vous le savez, Attijari Bank est présente dans presque tous nos pays, la Banque marocaine du commerce extérieur est l'actionnaire majoritaire du groupe BOA actuellement".

Alors la seule question qui se pose est pourquoi l'éventualité d'un Maroc dans la CEDEAO fait si peur à l'Algérie? 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 07/03/2017 à 18h58, mis à jour le 07/03/2017 à 19h22