Depuis que le Maroc a rejoint l’Union africaine, plus rien n’est comme avant, notamment dans les relations du pays avec les soutiens du Polisario. Les explications que vient de donner le président sud-africain dans une interview au magazine CityPress illustrent un "changement à 180°" dans la diplomatie sud-africaine, selon le site news24 qui publie de longs extraits de l’entretien.
Le président sud-africain s’exprime ainsi pour la première fois depuis sa rencontre avec le roi Mohammed VI, qui a eu lieu à Abidjan en marge du sommet Union africaine-Union européenne, le 29 novembre. Il annonce aussi la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays et la réouverture prochaine des ambassades respectives.
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Du côté d’Alger, ce n’est pas tant ce réchauffement entre Rabat et Pretoria qui fera le plus grincer les dents que les arguments de Zuma. Le président sud-africain, pragmatique, rappelle la nécessité d’avoir des relations avec le Maroc. Par ailleurs, il reconnaît que les dirigeants sud-africains ignorent l’histoire du royaume: "Ils (les Marocains, NDLR) connaissent leur histoire mieux que nous", a-t-il déclaré en parlant du Maroc.
En filigrane, son agacement vis-à-vis de la position purement idéologique de l’ANC sur la question du Sahara est perceptible. La décision de reconnaître la RASD était d’autant plus facile à prendre pour Thabo Mbeki qu’en 2004, rappelle Zuma, le Maroc n’était plus au sein de l’Organisation de l’unité africaine (OUA).
Il n’est donc pas étonnant que tout au long de cette interview, Jacob Zuma reprenne à son compte le solide argumentaire de la diplomatie marocaine. Il explique d'abord le soutien important du roi Mohammed V à la lutte de l’ANC. "Le grand-père du roi a eu à recevoir Nelson Mandela quand il était en dehors du pays au début des années 60. Il était en tournée à la recherche de pays pouvant entraîner les soldats de l’Umkhonto weSizwe (branche armée de l’ANC, NDLR). Ils nous ont apporté un grand soutien. C’est pourquoi, à sa libération, Nelson Mandela a tenu à s'y rendre pour les remercier (du 24 au 26 août 2005, NDLR), malgré le fait que le Maroc n’était plus membre de l’Organisation de l’unité africaine (OUA)", a rappelé, avec force détails, le président sud-africain.
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Au cours de cet entretien avec Zuma, le roi a "clairement expliqué que le Sahara occidental" était une province marocaine, en exprimant au passage "la désapprobation du Maroc vis-à-vis de la position de Pretoria", d'après ce que rapporte le président sud-africain. Et d’ajouter : "Ils ont senti que même si nos positions divergeaient, nous devrions avoir des relations".
"Nous voulons comprendre les liens historiques qui les lient (le Maroc à ses provinces du Sud, NDLR). Nous respectons leurs positions. Ils connaissent leur histoire mieux que nous", a ensuite expliqué Zuma.
Voilà une déclaration lucide qui montre que la position du gouvernement sud-africain est en train d'évoluer. Elle prouve qu'en 2004, l’Afrique du Sud a pris la décision de reconnaître la RASD en ignorant les tenants et les aboutissants de la revendication des séparatistes.
En lisant entre les lignes, on comprend clairement que si le Maroc n’avait pas quitté l’OUA, cette erreur ne se serait jamais produite. En effet, c’est le vide laissé par le Maroc qu’ont exploité l’Algérie et ses vassaux du Polisario pour vendre aux pays d’Afrique australe une histoire saharienne créée de toutes pièces.
Jacob Zuma explique que c’est la principale raison pour laquelle il n’a jamais eu l’opportunité d’échanger avec le roi Mohammed VI. "Parce qu’ils avaient quitté l’OUA, nous (l’actuel gouvernement) n’avons jamais eu la chance de les rencontrer (…). Alors, il n’y avait pas de possibilité de dialogue", affirme-t-il. Zuma a même revendiqué la nécessité "d’avoir des relations" avec "le Maroc (qui) est une nation africaine".
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Par cette interview du chef de l'Etat sud-africain, on comprend que ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le bloc des pays qui soutiennent les indépendantistes se trouve à plusieurs milliers de kilomètres au sud du Sahara. Ce sont, en effet, des pays qui ne peuvent pas revendiquer un millénaire d’histoire et d’échanges culturels avec le royaume du Maroc.