Ce 21 mars est un jour historique à en croire Ciryl Ramaphosa qui, dans son discours, a estimé que les chefs d’Etat et de gouvernement présents à Kigali pourraient dire à leurs enfants «J’y étais et j’ai participé à l’élaboration du libre-échange africain». Ahmed Ouyahia, le Premier ministre algérien, était dans la salle, il a également signé. Mais en voilà un qui a dû se retenir d’exprimer sa joie. Sans doute pensait-il à la frontière qui sépare son pays du Maroc, se posant la question quasi existentielle de savoir si elle serait bientôt ouverte.
En effet, les trois actes du sommet de Kigali excluent toute fermeture des frontières terrestres entre pays membres. Car, faut-il le rappeler, à Kigali les 44 pays signataires ont adopté la Zone de libre-échange continentale, mais aussi les textes relatifs à la libre circulation des biens et personnes, et enfin le protocole de Kigali.
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Cela veut dire qu’au-delà de la suppression à court terme des visas entre pays africains, les membres de la Zone de libre-échange seront amenés à plus ou moins long terme à renoncer définitivement au contrôle aux postes-frontières. Or, l’Algérie n’envisage toujours pas d’ouvrir le poste de Zouj Beghal, qui le lie avec son plus important voisin, du point de vue du PIB.
C’est donc ce dilemme cornélien qui a dû tempérer la joie d’Ahmed Ouyahia. Certes, les pays signataires ont jusqu’en 2019 pour procéder à la ratification des textes concernés. Moins de 21 mois les séparent de cette échéance. Il n’empêche que l’Algérie, qui est le pays africain le moins ouvert, fera tout pour retarder l’entrée en vigueur de ce texte qui a besoin de la ratification de 22 pays pour devenir effectif.
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Et une fois qu’elle l'aura ratifié, il y a fort à parier que l’Algérie continuera à traîner des pieds, à moins que les pays africains la contraignent à se plier à cette exigence. Car, quoi qu’on puisse dire, à partir du moment où l’accord de libre-échange entre en vigueur, la Mauritanie a un intérêt certain à ce que la frontière terrestre entre le Maroc et l’Algérie soit ouverte. En effet, bien que la Mauritanie ait une frontière avec l’Algérie, l’absence d’infrastructures routières reliant Nouadhibou ou Nouakchott à Alger fait qu’il est crucial que la voie terrestre passant par le Maroc soit des plus fluides. Pour le Sénégal, la Guinée voire la Côte d’Ivoire, c’est également le cas concernant les marchandises acheminées par la route. Ces pays seront-ils en mesure d’exiger que la folie algérienne cesse définitivement?
A moins d'avoir "deux mules" à la tête du pays, le poste de Zouj Beghal (en arabe, deux mules) devrait bien être ouvert par cette exigence de l'Union africaine.