A cause de l’épidémie du coronavirus et des mesures prises par le gouvernement pour endiguer la propagation de la pandémie, beaucoup de citoyens se sont retrouvés du jour au lendemain sans revenus. Les 840.000 assurés de la Caisse nationale de sécurité sociale désormais inscrits au chômage, depuis le début de la crise, sont sans doute la meilleure illustration des difficultés que traversent les salariés.
Mais, au-delà de ces employés régulièrement déclarés auprès de la CNSS, il y a un nombre sans doute beaucoup plus important de travailleurs indépendants ou dans l’informel qui sont impactés.
C’est dans ce cadre que figure la très nombreuse communauté subsaharienne au Maroc. Certains migrants, venus par exemple du Sénégal, du Mali, de la Côte d’Ivoire ou encore du Nigeria, ne sont plus capables d’honorer leurs engagements financiers vis-à-vis de leurs bailleurs.
"On nous a appelés à plusieurs reprises pour intercéder auprès des bailleurs en faveur de nos compatriotes, dont beaucoup sont locataires", explique Nafy Ngom, la vice-présidente de l’Association des ressortissants sénégalais résidant au Maroc (ARSEREM). Le problème se pose donc avec acuité, d’autant que certains sont "aussi bien locataire d’un local commercial que d’un appartement", précise-t-elle.
La solution privilégiée est d’appeler les bailleurs à se montrer compréhensifs, notamment à partir du mois d’avril sachant que la situation pourrait être amenée à se prolonger.
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Evidemment, "certains bailleurs n’ont que les revenus des biens donnés en location pour subvenir à leurs besoins", reconnaît-elle. Il y a donc, une sorte de choc systémique dont ils sont eux aussi les victimes.
Il se pose néanmoins la question de savoir si, sur le plan juridique les locataires impactées peuvent se libérer de leurs obligations contractuelles. "Il faut d’emblée exclure le décret-loi n° 2-20-292 du 24 mars 2020, notamment son article 6 qui suspend les délais légaux et réglementaires ", tranche Me Nesrine Roudane, Associée au cabinet Roudane&Partners Lawfirm à Casablanca.
Car, selon elle, "les délais contractuels ne sont pas concernés par cette suspension". Il faudra donc procéder in concreto, c’est-à-dire au cas par cas et "vérifier les stipulations contractuelles".
Par conséquent, si les parties avaient prévu une situation similaire à celle du Covid-19, elles doivent s’y tenir. Dans le cas contraire, il est toujours possible de revenir au droit commun, notamment les dispositions du Code des obligations et contrats qui prévoit en son article 269 "la force majeure, tout en s’assurant que les critères la caractérisant à savoir l’indépendance, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité sont réunis", souligne l’experte en droit des affaires.
Evidemment, il ne s’agit pas pour les locataires de se soustraire à leur obligation de payer leur loyer, mais seulement de bénéficier d’un report sans se voir appliquer de majorations pour le retard.
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Et d’ajouter qu'en cas de litige, "l’appréciation de la force majeure est laissée à la discrétion du juge pour vérifier aussi la bonne ou mauvaise foi du locataire, afin d’évaluer s’il essaie ou non de tirer profit du contexte". Ce qui renvoie bailleur et locataire dos à dos, jusqu’à la reprise normale de la vie judiciaire, dans peut-être un à deux mois. En attendant, ils peuvent faire leur le dicton qui dit qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès.