L’Université Russe de l’amitié des peuples pour rebâtir l'influence de Moscou en Afrique

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Le 20/10/2019 à 08h02, mis à jour le 20/10/2019 à 21h30

Après des décennies de reflux, Moscou ambitionne de se relancer en Afrique. Au coeur de l'effort, l'Université moscovite d'amitié entre les peuples (RUDN) veut revenir à sa grandeur soviétique et former les nouvelles élites africaines.

Cette université, appelée à l'époque soviétique Patrice Lumumba du nom du héros indépendantiste congolais assassiné, était à partir des années 1960 une pierre angulaire de la politique d'influence de l'URSS.

Elle forma alors, en pleine Guerre froide, nombre de décideurs africains, arabes, sud-américains et asiatiques mais aussi leurs homologues russes. Une politique de poids en pleine décolonisation.

Après la chute de l'Union soviétique en 1991 et la crise économique et d'autorité dévastatrice qui suivit, ce haut lieu de l'éducation s'est retrouvé en position de laissé-pour-compte, faisant les gros titres pour les attaques racistes la visant ou cet incendie aux origines toujours troubles qui fit 43 morts dans une résidence vétuste en 2003.

Selon son recteur, Vladimir Filippov, l'université a tourné cette page sombre, et retrouve son rôle dans le "soft-power" russe. Et cela à l'heure où la Russie cherche à faire un retour en Afrique, comme en témoigne le tout premier sommet Russie-Afrique que Vladimir Poutine organise les 23-24 octobre à Sotchi, où une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernements africains sont attendus.

"Notre tâche, et la tâche de la Russie en général, est de ranimer le système que nous avions sous l'URSS", affirme volontiers Filippov, un ancien ministre de l'Education.

A l'époque de la Guerre froide, il s'agissait aussi bien de marquer des points dans la guerre idéologique avec l'Occident que de placer des cadres de confiance dans l'élite politique. Encore aujourd'hui, de nombreux responsables mais aussi scientifiques d'Afrique sont passés par des universités russes ou soviétiques.

"Il y a beaucoup de gens qui parlent russe au Tchad", assure ainsi Ousmane Setibaye Sou, un étudiant de 25 ans, car depuis les années 1970, des dizaines de Tchadiens entament chaque année des études en Russie.

"Même notre ancien Premier ministre (Yusuf Saleh Abbas) était étudiant" à la RUDN, rappelle-t-il.

L'empire soviétique a aussi dépêché des dizaines de milliers de ses conseillers pour marquer de son empreinte les jeunes Etats indépendants et fournir armes et équipements militaires.

Ces dernières années, à travers la coopération militaire, des armements et un peu d'investissements, la Russie a fait un retour sur le continent.

Mais ce n'est plus seulement avec les Occidentaux qu'il faut rivaliser. Moscou doit rattraper son retard considérable sur la Chine qui s'est taillée une place importante avec ses énormes investissements et prêts.

Dans le bâtiment moderniste gris de la RUDN, non loin du hall où se mélangent étudiants russes et étrangers au son d'une musique traditionnelle guinéenne, Chimuka Singuwa, un Zambien de 23 ans, explique ainsi avoir hésité entre des études en Russie ou en Chine.

S'il a finalement choisi Moscou, c'est que son grand-père y étudia dans les années 1970. Il ne regrette pas sa décision, convaincu que Pékin est guidé par la cupidité sur sa terre natale.

"Je suis contre cette +OPA hostile+ de la Chine sur l'Afrique", martèle l'étudiant en relations internationales, qui s'inquiète de l'endettement de son pays à l'égard du gouvernement chinois.

Quant à la réputation de pays raciste et violente à l'égard des Noirs de la Russie, Singuwa assure qu'à Moscou il se sent en sécurité, même si "dans les régions reculées de Russie où on peut être le seul étranger, c'est assez difficile".

C'est donc convaincu que le jeune Zambien ira à Sotchi en tant que bénévole pour le sommet Russie-Afrique, une "grande opportunité" pour le continent.

Le recteur de l'université admet volontiers que la formation des quelque 1.200 étudiants africains de la RUDN vise à accroître l'influence russe.

"Bien sûr, c'est toujours une question d'intérêts géopolitiques et économiques", dit Filippov, fier de ses 49 accords inter-universitaires.

Mais l'Université de l'amitié entre les peuples veut aussi convaincre plus de ses étudiants russes de s'expatrier, et organise à cette fin son premier salon de l'emploi baptisé "Je veux travailler en Afrique".

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 20/10/2019 à 08h02, mis à jour le 20/10/2019 à 21h30