2021 devrait être le début d’une nouvelle ère dans les relations entre les Etats-Unis et l’Afrique qui ont globalement souffert de la présidence de Donald Trump. D’ailleurs, les dirigeants africains dont Macky Sall du Sénégal, Muhammadu Buhari du Nigeria, Cyril Ramaphosa de l’Afrique du Sud… figurent parmi les premiers dirigeants du monde à adresser leurs félicitations à Joe Biden.
Il faut dire que la présidence de Donald Trump, à quelques exceptions près, a été, au mieux, un épisode confus pour le continent africain et pour les Africains, pris globalement.
Du coup, tout le monde espère que la présidence de Joe Biden qui devrait débuter le 20 janvier courant marque une rupture sur un certain nombre de dossiers relatifs au continent africain. Et la nomination à des postes clés de personnes d’origine africaine où ayant déjà occupé des postes clés dans le cadre des relations avec le continent donnent de l’espoir d’une amélioration des relations entre les deux parties tout en sachant qu’entre les pays se sont les intérêts qui doivent dominer et que certains engagements internationaux ne devraient pas connaître de changement.
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Nonobstant, au-delà de la forme et donc du changement de ton, l’arrivée de Biden devrait se traduire par une nette amélioration des relations entre les deux parties du fait de son expertise en politique étrangère et sa bonne volonté diplomatique. D’ailleurs, l’équipe de transition de Biden s’est déjà engagée à viser un «engagement mutuellement respectueux envers l’Afrique avec une stratégie audacieuse». C’est dire qu’au moins la nouvelle équipe de la Maison blanche adoptera une approche beaucoup plus respectueuse de l’Afrique que sa prédécesseure et très probablement les relations commerciales et diplomatiques entre les Etats-Unis et les pays africains vont connaître un nouvel envol.
L’OMC, levé de la menace du véto de Trump pour désigner un Africain à la tête de cette organisation
Le premier dossier sur lequel Joe Biden est attendu est certainement la désignation du directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Plus favorable au multilatéralisme que son prédécesseur qui ne jurait que par «America First», l’Afrique espère que Biden donne rapidement son aval à la désignation de la nigériane Ngozi Okonjo-Iweala.
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Désignée pour succéder au Brésilien Roberto Azvêdo, elle s’est vu refuser le poste à cause d’un véto de Donald Trump qui préfère voir la candidate sud-coréenne à la tête de l’OMC et ce, malgré un soutien écrasant parmi les 164 membres de l’OMC. Iweala étant la candidate la mieux placée pour obtenir un consensus, l’organisation a bouleversé son calendrier de désignation du nouveau directeur de l’OMC. La décision a été prise d’attendre le départ de Trump pour placer pour la première fois une femme et une Africaine à la tête de cette importante institution. Et il est très fort probable que Biden lève ce véto et permette à l’Afrique d’occuper le poste de cette institution née à Marrakech, au Maroc, en 1994.
Visa, la caution imposée aux ressortissants de 15 pays africains
En novembre dernier, Trump, en tant que président sortant, avait imposé de nouvelles règles à certains voyageurs venant de 15 pays africains en leur imposant une caution de 15.000 dollars avant de se rendre aux Etats-Unis. Les 15 pays africains concernés sont: Angola, Burkina Faso, Tchad, République démocratique du Congo, Djibouti, Erythrée, Gambie, Guinée-Bissau, Libéria, Libye, Mauritanie, Soudan, Sao Tomé-et-Principe, Cap-Vert et Burundi. En cause, des taux de dépassement de séjour légal de 10% ou plus enregistrés en 2019.
Cette règle, entrée en vigueur le 24 décembre dernier, est une décision handicapante pour les nombreux voyageurs de ces pays.
Visa et migration, mettre fin à l’infame du «Travel Ban»
Au début de son mandat, en 2017, Trump avait expulsé de nombreux ressortissants de pays africains dont des Nigérians, des Guinéens, des Sénégalais… et placé quelques pays du continent sur la liste «Travel Ban» dont la Libye, le Soudan, le Tchad, la Somalie… Et en 2020, il avait annoncé l’interdiction d’immigration à quatre pays africains: Tanzanie, Soudan, Erythrée et Nigeria.
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Pour ces deux mesures relatives à la politique d’immigration des Etats-Unis, le président élu s’est engagé à se démarquer de son prédécesseur. Du coup, les pays africains espèrent que ces mesures soient rapidement levées par le président Biden après son investiture.
Retour à l’ITIE
En 2017, Trump avait retiré les Etats-Unis de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). Or, ce retrait de l’ITIE a affaibli le combat contre la corruption des firmes multinationales dans les industries extractives, notamment dans les secteurs des hydrocarbures et des mines. Une situation qui a tendance à réduire les recettes des pays africains exportateurs de ces matières premières en permettant aux multinationales de ne pas jouer à fond la carte de la transparence.
Un retour des Etats-Unis à cette initiative est très attendu par les ONG africaines qui militent pour une plus grande transparence dans la gestion des ressources naturelles des pays africains.
Aide au développement et financement
Donald Trump avait, durant son unique mandat, réduit l’aide publique au développement qui bénéficie particulièrement aux pays africains. En 2017, les Etats-Unis étaient le premier donateur avec 35,3 milliards de dollars, devant l’Allemagne (24,7 milliards de dollars) et le Royaume Uni (17,9 milliards de dollars). Toutefois, honorant sa promesse de campagne, Trump avait décidé de réduire le budget de l’aide au développement des Etats-Unis de 28%.
Ainsi, l'aide publique aux Etats africains a été réduite de 8 à 5 milliards de dollars et les budgets des institutions américaines, comme l'Agence américaine pour le développement international (Usaid), présentes sur le continent ont été fortement réduits.
La baisse de l’aide a impacté négativement de nombreuses organisations luttant contre la pauvreté et les pandémies en Afrique.
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De même, en matière de financement des économies africaines, durement touchées par la pandémie du Covid-19 et qui sont appelées à mettre en place des plans de relance de leurs économies en s’appuyant sur le Fonds monétaire international (FMI), leurs espoirs ont été douchés par le véto de Trump sur le renforcement de l’appui financier du FMI aux pays pauvres, dont particulièrement ceux de l’Afrique, alors que plus de 200 milliards de dollars de droit de tirage spéciaux (DTS) des pays développés sont inutilisés. Plusieurs personnalités dont l’ancien premier ministre Gordon Brown espèrent que Biden permettra au FMI de disposer de ses ressources afin d’aider les pays africains à relancer leurs économies.
Sur l’aide au développement et en matière de financement, et particulièrement sur le premier volet, il est fort probable que Biden se démarque de Trump et augmente l’aide aux pays africains dans le cadre de la nouvelle «stratégie audacieuse» qu’il compte mettre en place.
Lutte contre le terrorisme: une plus grande implication
Alors que le président Trump avait entamé une réduction des effectifs militaires américains en Afrique, certains observateurs pensent que Biden devrait freiner ce retrait au moment où le rival russe s’implante.
Même s’il ne renforce pas les effectifs et décide de ne pas s’impliquer dans des opérations au sol dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, il est fort probable que Biden accorde plus de moyens aux pays engagés dans la lutte contre le terrorisme, notamment en matière de renseignements et d’équipements.
Au-delà de ces attentes immédiates, les relations Etats-Unis-Afrique devront connaître un nouvel envol dans le cadre d’un nouveau partenariat qui prendra en compte l’influence grandissante de la Chine, notamment chez les premiers partenaires économiques des Etats-Unis en Afrique dont les Nigeria et l’Afrique du Sud -les deux premières puissances économiques du continent- qui se sont tournés davantage vers la Chine sous le règne de Trump.