CEDEAO-Maroc: des discussions pour harmoniser les réglementations avant le libre-échange

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Le 11/09/2017 à 06h58, mis à jour le 11/09/2017 à 08h20

Les équipes du royaume et celles de la CEDEAO se penchent sur le processus d’adhésion. Le point qui intéresse le plus les opérateurs économiques est l’accord de libre-échange. Celui-ci devrait contribuer à stimuler les échanges. Toutefois, une harmonisation des réglementations est nécessaire.

«C’est un mariage sans Brexit, sans divorce, il doit être bien préparé», dixit Marcel Alain de Souza, Président de la Commission de la CEDEAO. Une manière de dire que rien ne sera laissé au hasard pour réussir l’intégration totale du Maroc au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO).

Du coup, c’est le branle-bas de combat au niveau des équipes de la CEDEAO et du royaume en charge de préparer l’intégration du Maroc au sein de la CEDEAO depuis que les inquiétudes soulevées par certains opérateurs économiques de la région et de la société civile ont été dissipées par les chefs l‘Etat de la CEDEAO qui ont donné leur accord de principe en juin dernier à cette adhésion en soutenant que l’adhésion du Maroc, un partenaire économique historique, est bénéfique pour tout le monde. Les équipes ont encore 4 mois pour préparer cette adhésion aux niveaux technique, juridique et règlementaire, sachant que celle-ci suppose une libre circulation des biens et des personnes, et nécessite ainsi des préparations et des harmonisations des législations des deux parties.

Pour y arriver, des équipes de la communauté et du royaume planchent depuis quelques semaines sur la question à Rabat. Et parmi les points saillants de cette intégration, il y a le volet de libre-échange qui occupe une place particulière pour les opérateurs économiques du royaume.

Et sur ce point, il faut souligner que des divergences importantes existent encore entre les deux régions en matières de réglementation et des cadres juridiques encadrant des échanges commerciaux. A titre d’exemple, au niveau des pays déjà membres de la CEDEAO, outre la libre circulation des biens et des personnes au sein de cet espace, depuis 2015, les pays de cette communauté ont mis en place le TEC (Tarif extérieur commun) qui impose les mêmes droits de douane à tous les produits venant de l’extérieur du regroupement régional quelle que soit la frontière d’entrée.

Pour sa part, le Maroc est signataire de nombreux accords de libre-échange avec l’UE, les Etats-Unis, la Turquie et les pays arabes de la Quadra, soit un total de 59 pays. Avec ces pays, notamment avec l’Union européenne, il n’y a pas de droits de douane. Or, pour le moment, les pays de la CEDEAO-Mauritanie rechignent à signer avec les pays de l’Union européenne les Accords de partenariat économique –APE-, des accords commerciaux visant à développer le libre-échange entre la communauté européenne et les pays dits ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifiques), du fait que ce mécanisme prive ces Etats de précieuses recettes douanières sans réelles contreparties européennes.

Ainsi, sans aucune harmonisation, à titre d’exemple, en cas de libre-échange, des produits européens qui rentrent sans droits de douane au Maroc peuvent se retrouver sur le marché de la CEDEAO alors qu’importés d’Europe par un pays de cette région, ceux-ci allaient être soumis au TEC. A cause de cette situation, les experts de la CEDEAO et ceux du royaume seront obligés de mettre en place des règles afin que certaines parties ne soient pas lésées dans le cadre du libre-échange, comme les règles d’origine, etc.

Pour illustrer aussi cette nécessité d’harmonisation, il faut souligner que la CEDEAO dispose de 6.000 lignes tarifaires (codes désignant les marchandises à partir desquelles les tarifs douaniers sont expressément définis) alors que le Maroc en a 17.800, selon Marcel de Souza.

En conséquence, il faudra harmoniser tout cela dans la durée afin qu’aucune partie ne soit désavantagée. Du coup, des discussions stratégiques, des arrangements techniques et des constructions originales sont nécessaires pour réussir le libre-échange total.

De même, les discussions toujours en cours au Maroc permettront aux deux parties de peaufiner l’étude de l’impact réel de l’adhésion du royaume à cette communauté qui devrait être achevée avant la tenue de la prochaine session ordinaire des Etats membres, prévue à Lomé le 16 décembre 2017.

Une fois ces différences techniques, règlementaires et juridiques harmonisées, le libre-échange permettra de stimuler les échanges entre les deux parties dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant. Ainsi, avec ce libre-échange, des produits marocains ou de la CEDEAO qui étaient jusque là soumis à des droits de douane qui les rendaient moins compétitifs par rapport à d’autres produits de même nature pourraient gagner en compétitivité et accroître ainsi les échanges au niveau de la CEDEAO à 16 Etats.

Pour rappel, les échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique ont augmenté de 9,1% par an entre 2008 et 2016, passant de 1,3 milliard de dirhams à 11,9 milliards de dirhams, représentant 3% des échanges extérieurs du Maroc. Dans cette partie du continent, la CEDEAO représente le premier partenaire commercial du royaume avec une part de 58,2% en 2016 et un taux de croissance annuel moyen des échanges de l’ordre de 13,8% entre 2008 et 2016. 

Vers la CEDEAO, les exportations marocaines ont progressé de 20% en moyenne annuelle sur la période 1999-2015, passant de 62,3 millions de dollars à 834,5 millions de dollars. Le Sénégal, la Mauritanie et le Nigeria sont les principaux débouchés du royaume. Les exportations marocaines sont diversifiées, dont principalement des produits agroalimentaires, animaux vivants, machines et matériels de transport, engrais, matériels électriques, articles manufacturés, etc.

De même, les importations en provenance de cette région ont évolué de 63,7 millions de dollars à 333,8 millions de dollars sur la période 1999-2011 avant de chuter à 75 millions de dollars en 2015, à cause de la baisse des cours du baril de pétrole. Le Maroc importe des produits pétroliers du Nigéria et des produits agroalimentaires.

Dans cette région, et durant la période 2008-2014, le Nigeria est le premier partenaire commercial du Maroc avec 15,7% des échanges, devant le Sénégal (11%), la Mauritanie (8,3%), la Côte d’Ivoire (6,9%) et el Ghana (6,3%).

Reste que si le libre-échange peut accroître le niveau des échanges entre le Maroc et la CEDEAO, il faudra au préalable aussi mettre en place les infrastructures à même d’accroître ces échanges. Au delà du port Tanger Med, le Maroc compte faire de Dakhla un hub tourné vers l’Afrique. Une voie express au sud du Maroc, traversant la région saharienne, permettra de fluidifier les échanges entre le Maroc et le reste de la CEDEAO via la Mauritanie au niveau terrestre. Et le projet de ligne maritime reliant les ports marocains à ceux de l’Afrique de l’ouest en cours d’étude facilitera le flux des échanges et ce d’autant plus que la Tunisie aussi, qui envisage une intégration au sein de l’espace CEDEAO, compte lancer une ligne maritime d’ici quelques mois pour desservir l’Afrique de l’ouest en passant par le Maroc.

Enfin, il faut souligner qu’avec l’intégration du Maroc, la CEDEAO atteint une nouvelle dimension. Les 16 Etats pèseront un PIB de l’ordre de 740 milliards de dollars, soit la 16e puissance économique mondiale devant la Turquie, la Suisse et l’Arabie saoudite, pour plus de 385 millions de consommateurs.

Par Moussa Diop
Le 11/09/2017 à 06h58, mis à jour le 11/09/2017 à 08h20