Recueillir l'aval des 15 chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest constituait l'étape clé et décisive pour le processus d'adhésion du Maroc à la CEDEAO. En effet, par cette décision, la conférence des chefs d'Etat, qui est l'organe suprême, accepte le Maroc comme futur membre après l'indispensable étape technique et législative qui sera traitée durant les six mois à venir.
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Cet accord politique a comme principale conséquence de lever tous les obstacles et tous les doutes qui auraient pu persister au regard d'inquiétudes exprimées par des opérateurs économiques ou des membres de la société civile. Sur le plan économique, il ne sera plus question de se demander si l'acceptation du Maroc en tant que membre aura telles ou telles conséquences. On est désormais passé à une autre étape. Les chefs d'Etat ont décidé que l'ensemble CEDEAO en tirera le plus grand profit et ont accepté le Maroc comme futur membre. Donc le débat est clos. La suite des événements sera purement technique et légale. D'une part, il s'agira de mettre en place des mécanismes de suivi, de contrôle et de mise en oeuvre de ce nouveau statut d'une CEDEAO à 16 pays membres. D'autre part, tous les textes de la CEDEAO doivent être ratifiés par le Maroc.
Une adhésion en deux étapes
Evidemment, certains se posent la question de savoir pourquoi l'adhésion du Maroc à la CEDEAO se fait en deux étapes, alors que pour l'Union africaine la réintégration a été faite séance tenante. Il s'agit d'une illusion d'optique. Les deux sont comparables. La principale différence réside dans le fait que pour l'Union africaine, le Maroc a tout ratifié avant la décision politique, celle qui est déterminante et qui est intervenue le 29 janvier lors du vote historique. Alors que pour la CEDEAO, cette décision politique, qui est la seule qui compte, est prise avant que le Maroc ne mette sa législation en conformité avec les principaux textes de l'organisation régionale.
En soi, c'est une démarche qui se comprend, puisqu'il aurait été dommage que les équipes de la CEDEAO, les techniciens et les diplomates marocains passent de longs mois à négocier et qu'en fin de compte, l'aval politique ne soit pas obtenu, sachant que cet accord de principe est la condition sine qua non pour être membre.
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Hier, dimanche 4 juin, la Conférence des chefs d'Etat a donc accepté le Maroc comme le futur 16e membre de la CEDEAO. Par la même occasion, elle a donné mandat au président de la Commission de la CEDEAO, en l'occurrence Marcel Alain de Souza, pour suivre le dossier de son intégration en tant que membre, laquelle sera officialisée au sommet de décembre prochain qui aura probablement lieu à Abuja ou Lomé.
Dès lors, il y aura l'étape purement technique qui consiste à examiner avec le Maroc les modalités de mise en oeuvre de l'intégration économique, de la libre-circulation des biens et des personnes, etc. Ce n'est pas une mince affaire, mais ce n'est certainement pas un facteur de blocage. Le royaume chérifien présente des particularités qu'il ne partage avec aucun autre membre de la CEDEAO.
Un nouveau membre avec ses particularités
En effet, le Maroc est déjà un pays très ouvert avec des accords de libre-échange le liant à 59 pays ou ensembles régionaux. Alors que la CEDEAO a mis en place un Tarif extérieur commun (TEC) qui impose les mêmes droits de douane à tous les produits venant de l'extérieur de l'organisation. Le Maroc, en tant que membre, ne pourra pas suspendre ses accords de libre-échange. Alors que les pays de la CEDEAO ne pourront pas adopter les accords signés par le Maroc avec l'Union européenne, la Turquie, les pays arabes, les Etats-Unis, etc.
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Ce dilemme fait que les experts de la CEDEAO voudront certainement mettre en place des règles d'origine avec ce nouveau membre qui ne ressemble pas tout à fait aux autres en matière de commerce international. Cela laisse penser que plusieurs mois seront nécessaires pour aplanir les aspérités techniques entre le nouveau membre et le bloc des 15 membres fondateurs.
Ratification des textes CEDEAO
Parmi les points sur lesquels les discussions d'intégration du Maroc tourneront, il y a bien sûr la citoyenneté CEDEAO qui est actée par le passeport biométrique et la carte d'identité.
Enfin, il reste l'aspect le plus simple qui consiste à ratifier les différents textes de la CEDEAO. A ce niveau, l'Exécutif marocain soumettra au Parlement tous les textes que doit adopter un membre pour leur ratification. Il pourrait s'agir d'une simple formalité vu l'importance pour le Maroc de continuer à construire une Afrique forte. Néanmoins, comme en toute chose, l'appareil législatif demeure souverain.