Il suffit qu'un ministre tombé en disgrâce dans son pays ou qu'une publication tirée à quelques exemplaires évoque la question de la demande du Maroc d'intégrer la CEDEAO pour que la presse pro-gouvernementale algérienne s'en délecte avec perfidie, oubliant que la démarche marocaine est une exigence de l'Union africaine.
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Depuis que le Maroc a déposé sa demande d'adhésion à la CEDEAO, il ne se passe pas une semaine sans que la presse du régime algérien ne prédise l'échec. Evidemment, on se demande bien pourquoi des oiseaux de mauvais augure viennent déverser leur fiente malodorante sur l'avenir du continent. Puisque c'est bien de l'avenir de l'Afrique dont il est question, non point seulement celui du Maroc ou de l'Afrique de l'Ouest.
En effet, c'est l'Union africaine elle-même qui a décidé d'aller progressivement vers la suppression des frontières et des barrières douanières entre les différents Etats-membres, tous les Etats, quels qu'ils soient. En réalité, l'Union africaine est même beaucoup plus ambitieuse que ne le sont la CEDEAO et le Maroc en matière d'intégration.
Libre-échange continental et passeport africain pour bientôt
Pour s'en convaincre, il suffit de consulter le rapport 2016 produit par la Nouvelle Zélande, lequel sert de référence dans l'information périodique de l'organisation continentale. L'UA a bel et bien fixé l'objectif de "création d'une zone de libre-échange continentale d’ici 2017", avec l'intention ferme "de multiplier par deux le commerce intra-africain d’ici 2022 et de parler d’une seule voix forte dans les négociations commerciales internationales".
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Fait également partie des objectifs, la mise en œuvre de "la Banque africaine d’investissement et la Bourse panafricaine des valeurs" initialement prévue dès 2016. Quant au Fonds monétaire africain, il devait voir le jour en 2018, et dix ans plus tard, devra être concrétisé la Banque centrale africaine pour l'émission d'une monnaie unique africaine entre 2028-2034.
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Last but not least, le continent envisage de se doter d'un passeport africain unifié, dont l'unique but est d'accélérer "l’intégration en facilitant la libre circulation de tous les citoyens des 54 pays d’ici 2018". Evidemment, à cause d'attitudes comparables à celle d'Alger, il faudra revoir l'échéancier, puisqu'en fin avril 2017, il reste beaucoup à faire.
Tout passe par les Communautés économiques régionales (CER) de l'UA
Or, la mise en œuvre de l'ensemble de ces programmes doit se faire d'abord au sein des Communautés économiques régionales (CER) qui sont reconnues pour être des piliers de l'Union africaine. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à laquelle veut adhérer le Maroc n'est que l'une d'elles. Et parmi les CER sur lesquelles compte s'appuyer l'UA, il y a naturellement l'Union du Maghreb Arabe (UMA) qui est malheureusement le dernier de la classe, en matière de coopération, d'échange et de libre circulation des biens et des personnes. La fermeture de la frontière entre le Maroc et l'Algérie depuis 1994 n'en est que l'une des tristes illustrations.
On compte également parmi ces CER, la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC), le Marché commun de l'Afrique de l'Est et du Sud (COMESA) ou encore la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD). A l'image de la CEDEAO et à l'opposé de l'UMA, toutes ces communautés économiques régionales ont réalisé des avancées notoires dans le sens de l'intégration.
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Finalement, la demande du Maroc pour rejoindre la CEDEAO ne fait que contribuer à la réalisation des objectifs que l'Union africaine s'est fixés, d'aller vers un marché unique, une banque centrale continentale, un passeport africain, etc. Par exemple, la Tunisie, la Libye et l'Egypte, pays d'Afrique du Nord et/ou membres de l'UMA, ont bien rejoint la COMESA sans que cela ne gêne aucun Etat.
Peur, panique ou constat d'échec
Si l'Union africaine a fixé des objectifs aussi ambitieux auxquels tous les pays du continent doivent se soumettre, pourquoi la presse algérienne s'étonne-t-elle tant de voir le Maroc oeuvrer pour leur concrétisation ? En réalité, à travers ce comportement de la presse, il faut surtout voir l'agacement que ne parvient plus à cacher Alger face aux récents succès diplomatiques du Maroc. On a pu constater la même attitude au moment où le royaume chérifien envisageait de rejoindre l'Union africaine.
Par ailleurs, le fait que Mohammed VI ait affirmé que "la flamme de l'UMA s'est éteinte" a été perçu du côté d'Alger comme une meurtrissure que l'on ne se privera pas de lui faire payer. Pour le président algérien, Abdelaziz Bouteflika et son Premier ministre Abdelmalek Sellal, la meilleure manière d'y arriver serait de faire échec au projet marocain d'intégrer une autre organisation régionale, en l'occurrence la CEDEAO.
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Enfin, Il y a également la raison purement économique poussant Alger à devenir hystérique. Car, malgré la demande plusieurs fois renouvelée et l'intention sans cesse affichée par le Maroc de réouvrir la frontière terrestre avec l'Algérie, cette dernière s'y est refusée, faisant fi de la nécessité de construire l'UMA. Pour Alger, dont l'économie est peu diversifiée, une ouverture des frontière ne sera pratiquement d'aucun intérêt.
Alors que, pour le Maroc qui est capable de commercer d'égal à égal aussi bien avec les pays du sud du continent qu'avec l'Union européenne, le bénéfice est clair. l'Algérie aimerait bien que son voisin ne parvienne pas à intégrer la CEDEAO. Car cela supprimerait ainsi toutes frontières et toutes barrières contre les échanges avec 15 pays, représentant un marché de 320 millions d'habitants, soit le quart de la population du continent et un PIB qui pèse comme la 15e économie du globe.