Air Sénégal SA: 159 employés laissés sur le tarmac compliquent le décollage de la future filiale de la RAM

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Le 04/01/2017 à 18h32, mis à jour le 04/01/2017 à 19h07

Au total, 159 agents de Sénégal Airlines, liquidée depuis le 02 avril 2016, attendent leur indemnisation. Ce lourd passif social risque fort de compliquer le nouveau partenariat entre la RAM et ce qui reste de sa défunte filiale Air Sénégal International rebaptisée Sénégal Airlines.

Sur les cendres d'une défunte compagnie, les autorités sénégalaises veulent systématiquement bâtir un nouveau pavillon national. Pour ce faire, elles font souvent appel à la Royal Air Maroc. Sauf qu'il semble que cette fois, les cendres soient encore chaudes au point de brûler, à la fois la RAM et le gouvernement sénégalais qui ont noué un nouveau partenariat lors de la récente visite de Mohammed VI au pays de la Teranga. En effet, le passif social de Sénégal Airlines risque de compliquer sérieusement la création d'une nouvelle compagnie. 

Ce sont actuellement 159 employés qui, à cor et à cri, ameutent les médias sur leur triste sort. N'ayant plus de couverture sociale depuis la liquidation de la compagnie, ils sont également privés de salaire depuis 9 mois et attendent toujours le paiement de leurs indemnités de fin de contrat. Ces dernières doivent être réglées pour permettre le décollage réussi de la nouvelle compagnie, Air Sénégal. Pour l’heure, les employés laissés en rade sont victimes d’«injustice sociale», a souligné en substance Moustapha Diakhaté, le coordonnateur du collège des délégués de Sénégal Airlines.

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Menaces des syndicats

«La nouvelle compagnie [que doivent mettre en place la RAM et des privés sénégalais, NDLR] ne peut pas prendre son envol tant qu'il y a ce passif social à Sénégal Airlines. Idem pour l’aéroport international Blaise Diagne et le TER. Il faut donc régler d'abord ce litige, si on veut aller de l’avant dans le secteur. On ne peut pas parler d’émergence alors que des travailleurs sont là sous contrat, sans salaire et sans aucun revenu pour vivre. Si on continue comme ça, nous allons demander des bourses sociales pour pouvoir survivre», a-t-il poursuivi.

Après le dépôt de bilan de la compagnie, qui a eu lieu le 26 octobre 2016, il fallait nommer un liquidateur judiciaire qui puisse permettre aux employés de la compagnie de rentrer dans leurs droits. Pour l’instant, c’est le statu quo, poussant par la même occasion les employés à brandir la menace d’organiser des manifestations. D'aucuns se posent la question de savoir si ce contentieux ne risque pas de déteindre sur le nouveau partenariat entre la Royal Air Maroc et Air Sénégal.

Une nouvelle tentative après un divorce douloureux

Après le revers de la RAM en 2009 concernant Air Senegal International, les autorités sénégalaises et leur partenaire marocain ont décidé de rouvrir le dossier de leur compagnonnage dans le cadre des rencontres maroco-sénégalaises, en novembre dernier. Faire de Dakar, la capitale sénégalaise, un lieu d’attrait de la clientèle africaine vers Casablanca, le hub de la compagnie, était l’objectif visé dans ce premier partenariat. Ce qui aurait permis à la RAM d’orienter ses vols en provenance d'Afrique de l'Ouest et vers l’Europe, les Etats-Unis et l’Asie. 

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Mis en place en 2000, ce partenariat finit par capoter à cause de problèmes financiers d'Air Senegal International. Pour les Sénégalais, la RAM avait fait basculer tout le trafic rentable de sa filiale vers la maison-mère, ce qui a lourdement pesé sur les comptes d'une jeune compagnie, condamnée à tomber en faillite. Pourquoi la maison-mère jouerait-elle un pareil jeu, peut-on se demander? Pour ce syndicaliste, "il ne faisait aucun doute que les lignes d'Air Senegal International qu'exploite jusqu'à présent la RAM sont les plus rentables pour la compagnie marocaine". Il en veut pour preuve le fait que "la RAM possède 3 vols quotidiens sur Dakar, ce qui a été possible grâce aux droits de vols de Senegal Airlines sur la route Casablanca Dakar". Et d'ajouter: "D'ailleurs, la compagnie nationale marocaine n'a de cesse de s'opposer à l'installation d'Air Arabia Maroc au Sénégal pour ne pas avoir de concurrent". 

La RAM aurait étouffé sa filiale

Quoi qu'il en soit, ce serait cette démarche de la RAM qui aurait été à l'origine des divergences remarquées dans la gestion entre la RAM et les actionnaires sénégalais en 2009. Cela avait d'ailleurs failli tourner à l'incident diplomatique entre les "deux pays frères", rappelle le même syndicaliste. On assiste alors à un froid diplomatique entre Rabat et Dakar du fait de la dégradation progressive des relations entre les actionnaires des compagnies. S’ensuivit alors la mise en place de Sénégal Airlines après le dépôt de bilan d’Air Sénégal International (ASI), l'ex-filiale de la RAM.

Mettre aux oubliettes ces différends qui ont causé beaucoup de torts est l’objectif visé par cette deuxième tentative de rapprochement des deux compagnies. «Cette collaboration, qui devrait être une nouvelle manifestation du modèle pionnier de coopération Sud-Sud entre le Maroc et le Sénégal, est censée tenir compte des intérêts réciproques, en capitalisant sur les expériences antérieures et en tirant les enseignements», précise madame Maimouna Seck Ndoye, ministre du Tourisme et des transports aériens.

Différents domaines opérationnels et techniques figurent en bonne place dans cette nouvelle coopération pour le «lancement effectif d’Air Sénégal S.A, un des principaux piliers du Plan Sénégal Emergent», poursuit Maimouna Seck Ndoye. Le Sénégal pourrait ainsi devenir un hub aérien sous-régional. Mais, les 159 salariés laissés sur le tarmac risquent fort de compliquer le décollage de la future compagnie. 

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 04/01/2017 à 18h32, mis à jour le 04/01/2017 à 19h07