Alors qu’elle tablait sur une hausse des transferts des migrants vers les pays à revenu faible et intermédiaire en 2020, dans le sillage des années précédentes, avec un montant de 574 milliards de dollars transférés par les migrants, voilà que le coronavirus remet en cause les projections de l’institution de développement.
A cause du coronavirus, la Banque mondiale mise désormais sur un repli historique des transferts d’argent des migrants. Au niveau mondial, elle prédit une chute des transferts d’environ 20% en 2020, pour retomber à 445 milliards de dollars. Il s’agit du déclin le plus brusque de l’histoire récente des transferts des migrants.
Cette baisse sera différente d’une région à l'autre. Ainsi, d’après les estimations des experts de l'institution, elle sera en moyenne de 23,1% en Afrique subsaharienne en 2020, pour tomber à 37 milliards de dollars, contre 48 milliards de dollars en 2019.
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Au niveau des pays du Moyen Orient & Afrique du Nord, les transferts des migrants devraient chuter de 19,6% pour retomber à seulement 49 milliards de dollars, contre une hausse de 2,6% en 2019.
L’Egypte et le Maroc, qui sont parmi les principaux bénéficiaires de ces transferts au niveau de la région Afrique du Nord, seront certainement très affectés et ce d’autant que les pays d’accueil de leurs migrants figurent parmi les plus touchés: Royaume-Uni, France, Espagne, Italie, Belgique, etc. De même, les migrants vivants dans les pays du Golfe seront affectés par les effets de la pandémie sur ces économies dépendantes des cours du pétrole et du gaz qui sont à leurs plus bas niveaux depuis des décennies.
Cette forte baisse attendue est liée aux conséquences économiques de la crise de la pandémie du coronavirus dans les pays où sont installés les migrants. A cause du confinement, de la fermeture de nombreuses entreprises, des nombreux licenciements et du chômage technique adopté par de nombreuses entreprises, les migrants, souvent particulièrement les plus exposés, ont globalement vu leurs revenus chuter durant cette période.
Du coup, certains d’entre eux ont été obligés de solliciter leurs autorités pour les soutenir durant cette période difficile. Ainsi, le Sénégal a débloqué plusieurs milliards de francs CFA pour soutenir les membres de sa diaspora affetés par les conséquences économiques de la pandémie du coronavirus.
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Malheureusement, la crise risque de durer longtemps à cause des conséquences de cette pandémie qui risquent de paralyser l’activité économique pendant de longs mois, au moins pour certains secteurs comme le tourisme, l’aérien, la restauration, les loisirs, etc.
Ainsi, les récessions économiques des pays développés (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne, etc.) et les pays du Golfe mettent à mal les capacités des migrants à envoyer de l’argent chez eux.
Les conséquences seront néfastes sur plusieurs économies africaines. D’abord, les transferts des migrants constituent des sources de devises conséquentes pour de nombreux pays du continent africain. C’est le cas notamment pour l’Egypte, le Nigeria et le Maroc qui sont les premiers bénéficiaires des transferts d’argent de leurs migrants.
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Ces trois pays ont drainé des transferts de leurs migrants pour des montants respectifs de 26,8 milliards, 23,8 milliards et 6,7 milliards de dollars en 2019.
Ensuite, certains pays vont se passer d’une partie de ces transferts en devises au moment où les cours des matières premières sont bas à cause d’une demande faible résultant du ralentissement de l’économie mondiale. Ce qui va contribuer à déséquilibrer encore leurs balances des opérations courantes.
Par ailleurs, les transferts représentent une part considérable de la richesse de nombreux pays du continent. Ainsi, pour un pays comme le Soudan du Sud, les transferts de la diaspora ont atteint 1,3 milliard de dollars, représentant l’équivalent de 34,4% du PIB du pays. Au Sénégal, ces transferts pèsent10,5% du PIB. Du coup, l'impact sur la consommation intérieure sera significatif et pèsera sur la croissance économique de ces pays en 2020.
Enfin, ces transferts constituent une planche de salut financière vitale pour de nombreuses familles vulnérables restées au niveau du continent. Du coup, les risques d’augmentation de la pauvreté, d’accès aux biens vitaux et d’abandon scolaire sont à craindre dans certains pays africains.