Les juges de la Cour de La Haye rendront à 11H00 (10H00 GMT) cette décision très attendue sur le sort de M. Gbagbo, 73 ans, en détention depuis sept ans. Son procès pourrait s'arrêter là, avec un acquittement, ou se poursuivre.
Premier ancien chef d'État à avoir été remis à la Cour, il est jugé pour des crimes commis pendant la crise post-électorale de 2010-2011, née de son refus de céder le pouvoir à son rival, l'actuel président ivoirien Alassane Ouattara. Les violences avaient fait plus de 3.000 morts en cinq mois.
Environ 200 personnes se sont rassemblées lundi à Abidjan pour exprimer leur hostilité à une éventuelle libération.
"La CPI travaille comme si les victimes n'existaient pas", a dénoncé auprès de l'AFP Issiaka Diaby, le président d'un collectif de victimes qui regroupe 8.000 personnes.
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"Si on libère Laurent Gbagbo, il n'y aura plus de justice à notre égard", a affirmé Karim Coulibaly, 43 ans, amputé d'une jambe après avoir reçu une balle lors de la crise. "J'étais chauffeur, je suis chômeur aujourd'hui. On n'est pas contre la réconciliation mais il faut d'abord satisfaire les victimes".
- "Signal inquiétant" -
La CPI se prononcera également sur la demande de liberté provisoire de Charles Blé Goudé, 47 ans, ex-chef du mouvement des Jeunes patriotes, fidèles à l'ancien président Laurent Gbagbo.
Ils sont tous deux accusés de quatre chefs de crimes contre l'humanité: meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains, pour lesquels ils ont plaidé non coupable.
Après avoir occupé le palais présidentiel pendant plusieurs mois, Laurent Gbagbo avait finalement été arrêté en avril 2011 par les forces du président Ouattara, soutenues par les Nations unies et la France, avant d'être remis à la CPI.
L'ex-chef d'État s'est "accroché au pouvoir par tous les moyens", a martelé l'accusation, qui a convoqué plus de 80 témoins depuis le début du procès en janvier 2016.
Celui-ci repose sur une "déformation de l'histoire", a de son côté affirmé la défense l'année dernière. Lors d'une audience en décembre, elle a argué que l'ancien président, "âgé et fragile", ne poserait aucun risque de fuite.
Dans une démarche inhabituelle, les juges de la CPI ont ordonné l'année dernière aux procureurs de clarifier les preuves.
"C'est un signal inquiétant", a estimé Thijs Bouwknegt, spécialiste en droit international interrogé par l'AFP.
- "Il va disparaître" -
Les tentatives précédentes de la CPI afin de juger des personnalités politiques de haut rang – la plupart en Afrique – ont toutes rencontré des obstacles.
En 2014, le procureur de la CPI avait abandonné faute de preuves les poursuites contre le président kényan Uhuru Kenyatta.
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L'ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba avait été acquitté à la surprise générale en appel en juin 2018. Il avait d'abord été condamné à 18 ans de prison pour des crimes commis par sa milice en Centrafrique entre 2002 et 2003.
"Si Gbagbo est remis en liberté, la CPI devrait repenser ce qu'elle est en mesure d'accomplir", a déclaré M. Bouwknegt.
Dans l'éventualité où les juges de la Cour décident d'accorder une liberté provisoire à M. Gbagbo, il pourrait rejoindre sa femme, Simone Gbagbo, surnommée la "Dame de fer".
Arrêtée avec son mari, elle avait été condamnée en 2015 à 20 ans de prison, avant de bénéficier d'une amnistie accordée par le président Ouattara après sept ans de détention.
Pour le président du collectif des victimes, M. Diaby, il n'y a pas de doute: si Laurent Gbagbo obtient la liberté provisoire, il s'enfuira. "On sait qu'il va disparaître."