Gambie: Malgré une nuit d'intenses tractations, Jammeh refuse toujours de partir

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Le 19/01/2017 à 11h20, mis à jour le 20/01/2017 à 01h15

Hier, avant que ne s'achève l'ultimatum donné à Yahya Jammeh par l'armée sénégalaise, s'est déroulée la plus intense activité diplomatique de l'histoire de l'Afrique de l'Ouest avec comme acteurs principaux le Mauritanien Ould Abdel Aziz, le Sénégalais Macky Sall, les Gambiens Jammeh et Barrow.

La nuit a été courte, tant pour les présidents Macky Sall du Sénégal et Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie que pour les nombreux autres chefs d'Etat accrochés à leurs téléphones et guettant la moindre information sur la situation gambienne. 

Il est 23h20 quand l'avion du président mauritanien décolle de l'aéroport de Banjul. Beaucoup de Sénégalais s'exprimant sur les réseaux sociaux sont devenus des spécialistes du tracking des vols internationaux grâce à l'application Flight Radar, disponible à la fois pour les smartphones Androïde ou IOS d'Apple. 

Du coup, rien ne leur échappe et ils sont au courant de tous les va-et-vient dans le ciel ouest-africain, notamment quand le vol est à destination ou en partance de Banjul. Ce qu'ils ne sont pas capables de dire, en revanche, c'est qui est à bord et ce qui se dit autour de ces voyages nocturnes.

Alors, on se perd en conjectures. Pour certains, l'avion de Mohamed Ould Abdel Aziz ne pouvait pas partir de Banjul sans emmener avec lui Yahya Jammeh afin de lui offrir l'exil. C'est d'ailleurs ce qu'annonce le site et webradio gambien Jollof News qui titre : "Jammeh se plie et accepte de partir en exil". "Selon les informations en provenance de Banjul, Jammeh a accepté de partir dans l'intérêt et la stabilité de la Gambie, après une intense discussion avec le président mauritanien", affirme le site dans un article publié juste après le décollage de l'avion de Mohamed Ould Abdel Aziz de l'aéroport de Banjul. 

Mais quand à 23h55, l'avion de Mohamed Ould Abdelaziz atterrit à l'aéroport de Dakar, tout le monde déchante. Cette première hypothèse est balayée. Ould Abdel Aziz et Macky Sall s'entretiennent pendant une quinzaine de minutes dans le salon d'honneur de l'aéroport de Dakar, avant que ne les rejoigne le président élu gambien Adama Barrow. "Sans doute, cette fois c'est pour entendre Ould Abdel Aziz dire à Macky Sall et à Adama Barrow que Yahya Jammeh a refusé de partir", formule-t-on dans la "socialsphère" sénégalaise. Mais jusqu'ici rien ne filtre, même si l'hypothèse paraît fort probable. 

Gambie: l'armée sénégalaise n'attend plus que minuit pour intervenir

Alors, l'armée sénégalaise est-elle en train de marcher sur Banjul en ces premières minutes de fin de mandat de Jammeh? Non, selon les informations venant d'ici et là des radios et télévisions sénégalaises qui sont toutes en alerte, guettant la moindre information venant de leurs correspondants à Karang (Sénégal), Farafégné ou Banjul (Gambie). Cependant, vers une heure et demie du matin, la Radio Futurs Medias affirme que le camp militaire de Farafégné, le plus grand de l'armée gambienne a hissé le drapeau blanc et a déposé les armes. Le chef d'état-major de l'armée gambienne, Ousmane Badjie, qui avait pourtant déclaré tout son soutien à Yahya Jammeh, vient de déclarer en substance "qu'il aime trop ses hommes pour les envoyer à l'abattoir". Selon le site Seneweb, le plus fréquenté au pays de la Teranga, il aurait dit: "Nous n'allons pas nous engager militairement. Ceci est une bataille politique. Je ne vais pas engager mes hommes dans une stupide bataille. J'aime mes hommes". 

Aujourd'hui, tout le monde attendait l'investiture d'Adama Barrow qui devait avoir lieu au Stade de l'indépendance de Banjul, selon "le plan A", pour reprendre les termes de Halifa Sallah, le porte-parole du président élu. Mais aujourd'hui, "on s'achemine vers le plan B", ajoute-t-il, sans donner de précisions. Ce plan B pourrait bien être une prestation de serment à l'ambassade de Gambie à Dakar, car, comme l'a affirmé un diplomate, "le territoire de Gambie, ne se trouve pas forcément en Gambie". C'est ce que confirme le dernier tweet d'Adama Barrow: "vous êtes conviés à mon investiture qui aura lieu à l'ambassade de Gambie à Dakar à 16h". 

Une question reste néanmoins posée: que fera-t-on de Jammeh? Le Sénégal a convoqué le Conseil de sécurité de l'ONU pour un vote sur la question, visiblement Macky Sall veut donner plus de légalité à l'intervention de la CEDEAO par une résolution de l'ONU. Néanmoins, dès la prestation de serment du président élu, si Jammeh ne part toujours pas, Barrow sera officiellement l'unique président de la Gambie aux yeux de ses pairs de la CEDEAO. Il pourra alors demander cette intervention.

Beaucoup estiment qu'on en arrivera pas là, car en réalité le calme plat que l'on constate du côté de Banjul, alors que l'armée a décidé de ne pas combattre, s'explique par la décision de Jammeh d'accepter un exil doré en Mauritanie. Le cas échéant, cela signifierait que tout finira bien. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 19/01/2017 à 11h20, mis à jour le 20/01/2017 à 01h15